la typographie arabe
le rythme des lettres
le souffle des mots
la vie du texte
par marco maione & tristan maillet
en images
géographie de la langue arabe en 2010
le monde arabe est constitué de plusieurs ensembles,
selon que la langue officielle ou non,
qu’elle soit parlée, écrite, ou les deux.
cela peut être representé schématiquement
sur une carte par quatre zones qui peuvent
parfois se chevaucher.
la première est la péninsule arabique, où l’on parle
et écrit la langue par héritage culturel et historique.
géographiquement, elle est le berceau de la langue
mais aussi le cœur de l’islam :
l’arabe ethnique.
un secteur plus large est composé de pays ou l’arabe est la langue officielle
de l’état. géographiquement, cette zone couvre la mésopotamie et le nord
de l’afrique. avec l’arabie saoudite, ces deux zones constituent le monde
moderne de l’arabe parlé :
l’arabe culturel.
une zone encore plus étendue est constituée
des nations qui continue d’utiliser leur
langage historique mais dont l’arabe
est une des langues officielles.
enfin, un groupe de nations où
l’écriture originale est adaptée à l’écriture arabe,
comme expression de leur intégration dans la civilisation islamique.
l’arabe parlé et l’arabe écrit rassemblent autour de l’islam de nombreux états :
le monde islamique. sur l’ensemble de ce territoire, l’arabe prend des formes différentes
à travers des dialectes et particularités graphiques locales auquels l’alphabet s’est étendu.
au cours de l’histoire, un nombre important de langues ont coexisté avec l’arabe écrit,
dont des langues parfois complètement différentes comme l’espagnol, le bosniaque, le serbo-croate,
l’hausa, ou encore le tamil. aujourd’hui, les langues qui utilisent l’écriture arabe
inclus le perse, le pashtoune, le dari, le farsi (afghanistan), l’ourdou (inde, Pakistan),
le javanais (indonésie), le kurde (irak) et l’ouyghour (chine).
texte d'introduction
ce mémoire naît d’un double intérêt, un amour de la typographie et
un attraît singulier pour les différentes cultures qui nous entourent aujourd’hui,
et en particulier la culture arabe. en effet, l’environnement linguistique créé par
le cosmopolitisme de nos sociétés a suscité une grande curiosité. notre génération a évolué
entourée de différentes communautés culturelle d’une part, et avec des personnes de
tout horizons sociaux d’autre part, dans la compréhension et l’acceptation des
différences de l’autre. pourtant le journal le monde observe en 2009 que la france,
en retirant l’arabe de l’enseignement public, favorise le replis identitaire
tandis que le danemark l’introduit au collège, lui misant sur l’intégration
rapide des collégiens palestiniens, libanais et irakiens « qui partiront,
espère-t-elle, demain, à l’assault des pays du golf ». nous-même d’origine
française et italienne, avons évolué avec des portugais, des serbes, des turcs, des chinois, des marocains,
des tunisiens, des algériens et ceci a constitué pour nous un véritable enrichissement personnel, affectif et culturel. ces différentes origines utilisent
des alphabets totalement différents d’un point de vue sémantique, grammatical, et formel. pour notre génération, la culture arabe fait partie intégrante
de notre champ visuel au quotidien à travers l’actualité, les matières, les motifs, les couleurs, la cuisine et la musique et a par conséquent intégré
notre sensibilité. pourtant, nous pouvons nous rendre compte que le manque de connaissance poussent beaucoup de personne à la voir différement et à ne pas la considérer à sa juste valeur.
les pays arabes et notamment le proche et moyen-orient sont aujourd’hui au centre de préoccupations politiques, économiques, sociales et géopolitiques.
ces nations émergentes prennent conscience de leur rôle dans la compétition mondiale pour attirer les investisseurs, les touristes, les exportations et encourager
l’emplois de leurs citoyens. ces pays doivent promouvoir leur image nationale afin d’aider à l’identification et se retrouve ainsi face à une
double nécessité de communication, externe et interne: exister sur la scène internationale, et affirmer leur identité et leur spécificité dans le monde arabe.
exister sur la scène internationale implique d’en accepter les codes en matière de communication et d’adopter le caractère romain utilisé dans la langue
internationale autoproclamée qu’est l’anglais. affirmer leur identité est nécessaire pour être également reconnus au sein du monde arabe. la typographie
constitue en ce sens un enjeu actuel important pour ces pays.
l’écriture est avant tout un procédé dont on se sert pour fixer le langage articulé, fugitif par essence même. mais en rendant la parole muette, l’écriture
ne fait que la conserver, elle invente un nouveau langage qui discipline la pensée et l’organise en la transcrivant visuellement. elle constitue un ensemble de
signes sur lequel reposent toutes nos sociétés. en effet, l’écriture a eu une influence majeure dans le développement des civilisations, dans la transmission des
connaissances et elle joue un rôle essentiel dans la représentation visuelle d’une identité culturelle. pendant longtemps, orient et occident ont souvent intéragit,
partagés des idées, des connaissances, des inventions technologiques qui ont influencés nos sociétés. dernière des langues sémitiques à être apparue sur la scène de l’histoire
mondiale, au viie siècle de notre ère, l’arabe, d’abord idiome archaïque de bédouins nomadisant dans les déserts d’arabie, devient en moins de deux siècles,
l’une des langues majeures dans l’histoire de la culture humaine. elle est à la fois la langue liturgique de l’islam, en véhiculant le message coranique—le
principal vecteur, pour de nombreux siècles, de l’activités scientifique et philosophique—en assimilant l’héritage des grandes cultures classiques de l’orient
et le support d’une foisonnante littérature. aujourd’hui elle l’une des dix principales langues de la planète. l’arabe est la langue officielle de plus
de 20 pays dont la population totale avoisinait les 300 millions au début du 21e siècle et pourrait atteindre les 500 millions en 2050. l’arabe est langue de travail
de l’onu et des organisations internationales depuis le milieu des années 70 et est classé au 6e rang des langues du monde. enfin en tant que langue liturgique de l’islam,
l’arabe intéresse près d’un quart des êtres humains aujourd’hui.
comparé au corpus d’ouvrages existant sur la calligraphie, celui sur la typographie arabe est plus rare et peu développée, un sujet contemporain qui a pourtant
un fort mérite à être développé. il déplace le champ d’observation particulièrement sur l’anatomie de la lettre, ses proportions, sa systémisation, et son évolution
dans le milieu du graphisme. un champs de recherche est ouvert, mais du fait que peu de ressources soient disponibles, chaque publication à un fort impact et des précautions
doivent donc être prises quant aux points de vues à relayer. à la recherche de formes et de signes représentatifs de notre époque, notre intérêt s’est porté sur l’écriture
arabe qui constitue un sujet d’étude intéressant et est assurément sujette à la créations de formes contemporaines. en choisissant de parler de dessin de caractère plutôt que
d’écriture ou calligraphie, nous nous donnons les moyens d’observer comment ce sujet se comporte dans un environnement plus complexe ou plus singulier, celui du graphisme.
de nombreux états sont rattachés au monde arabe par un critère linguistique et utilisent l’arabe comme langue officielle. or on remarque qu’aujourd’hui il existe un
nombre réduit de caractère arabes et peu de diversité sur le marché. ceci a un impact négatif à plus grande échelle sur le design graphique et constitue donc un vrai terrain de
recherche, d’étude et de développement pour le dessin de caractère. les caractères typographiques, et les outils qui permettent d’en utiliser et d’en créer
sont rares et fréquemment peu valables dans les pays arabophones. aujourd’hui encore, alors que la technologie est assez performante, le monde arabe manque de caractères de
qualité pour l’usage quotidien des utilisateurs, pour les graphistes et designers (papier, écran), de caractères d’identité (journaux, entreprises…), et de caractères
internationaux. on constate aussi l’insuffisance de caractères arabes visuellement compatibles avec des caractères latins dans un monde où le bilinguisme devient une norme.
on peut aussi porter notre attention sur le fait que les quelques caractères arabes conçus dernièrement, le romain conditionne le dessin de l’arabe, et l’harmonie du bilinguisme
se fait sous tutelle romaine. de plus, le développement d’internet a forcé le retour à l’information textuelle, et la manipulation et l’intéraction constante avec le texte
est devenu considérable. dans le cadre de la mondialisation, l’existence de caractères digitals, multi-script, adaptables à l’écran devient de plus en plus nécessaire.
dans l’évolution de l’utilisation de caractères typographiques à l’échelle mondiale, on observe différents niveaux de développement. en effet, quand le passage de la
feuille de papier à l’écran fait l’unanimité en occident—phénomène sujet à de nombreuses discussions, nottament dans la presse—le reste du monde est moins confronté, ou
pas encore aux mêmes problématiques. en occident, la presse cours après les lecteurs sur internet et constate un lectorat « papier » en chute libre. mais à
l’échelle mondiale, la vente de journaux augmente en grande partie grâce aux marchés des pays en émergence. les besoins typographiques ne sont donc pas les mêmes. même si ces
pays risquent de voir leur réseau internet se développer très rapidement dans les prochaines années, l’iran ou le liban, relativement stables économiquement, accusent un retard
important dans sa mise en place. perçue comme une source d’informations colossale, les gouvernements souvent sévères ont tendance à exercer de lourdes pressions et censures sur
l’industrie médiatique et tous ses supports, mais aussi sur l’ensemble de l’industrie éditoriale.
ainsi, le conservatisme religieux, pour contraindre la création dans le monde arabe, se trouve relayé par l’autorité politique.
il faut être conscient que le design contemporain arabe est avant tout « filtré » par les héritages culturel, graphique, calligraphique et typographique
du monde arabe. au même titre que la culture, ou le langage, l’écriture est le propre d’une région. il faut donc prendre en grande considération ces facteurs dès le début
de la conception de ce mémoire en contextualisant le plus possible (histoire, usages) les données recueillies. ce mémoire constitue une étude sur les formes d’écriture contemporaines
mais n’a aucunement pour vocations de dire ce qu’est ou ce que doit devenir l’écriture arabe. la culture doit être le point de départ, et non pas l’ultime exotisme.
expliquer le design « arabe », ou la typographie « arabe » nécessiterait des spécifications géographiques dans de complexes subdivisions
culturelles, selon différents goûts, différents héritages visuels et différentes approches du design. en tant que « non-arabes », nous avons un point de vue encore
un peu plus exterieur. à nous de considérer ces nuances pour amener une réflexion et des points de vue justes et pertinents.
de l’écriture à la typographie, une histoire de l’alphabet
l’histoire de l’humanité peut se diviser en deux immenses époques : avant et depuis
l’écriture. nous vivons les siècles de la civilisation écrite, où elle est non seulement un procédé
destiné à fixer la parole, un moyen d’expression permanent, mais elle donne aussi directement accès
au monde des idées. toutes nos sociétés reposent sur le fait social qu’est l’écrit. l’histoire
de l’écriture s’identifie par là à celle des progrès de l’esprit humain. il faut assurément
s’élever à ces définitions pour donner à la science des écritures la place qu’elle mérite dans
l’ensemble des sciences historiques, même si l’on veut y voir surtout, comme ce sera notre propos,
l’étude d’une technique. les grandes langues de culture ont, chacune, une aventure qui lui est propre.
celle de l’arabe est assez singulière. nous l’avons découpé en quatre étapes qui correspondent
aux grandes périodes de changements, de diversification, d’uniformisation, de mutations, aboutissant aux formes
et à la structure de la typographie arabe que nous connaissons aujourd’hui, ou plutôt que l’on pense
connaître. l’étude de la généalogie et des racines les plus anciennes de l’alphabet arabe aide à en
assimiler les notions linguistiques et les spécificités fondamentales.elle donne aussi les bases de compréhension
du processus de formation des premiers systèmes d’écriture. dédiée à la poésie et véhicule de la parole divine,
la naissance de cette écriture et ses premières évolutions consistent en une série de phases de développements,
de contraintes, de variations et de rationalisations qui ont modelé ses signes et qui ont défini l’identité
linguistique, scripturale et picturale de l’arabe. plus tard, le «problème» typographique et l’apparition
de l’imprimerie à caractères mobiles prennent une tournure particulière dans le cas de l’arabe,
due à sa sophisticité. une dernière grande étape de mutation et de remise en question se déroule au 20e siècle
quand les technologies affectant le domaine de la typographie progressent jusqu’à l’outil informatique.
ces avancées changent complètement le statut, les besoins, les usages et les ambitions de la typographie arabe
à l’échelle locale et internationale.
1
origines et ascendances de l’écriture
chronologie sommaire et repères historiques
pour qu’il y ait écriture,
« il faut d’abord
un ensemble de signes qui possède
un sens établi à l’avance par
une communauté sociale et à son usage »
et
« il faut, ensuite, que ces signes permettent d’enregistrer et de reproduire une phrase parlée ».¹
j. février, histoire de l’écriture, paris, 1959
l’analyse d’un système
d’écriture impose une étude de
ses ascendances et filiations.
il nous semble d’autant plus nécessaire d’étudier
cet aspect plus historique dans le cas précis de la typographie arabe,
puisque l’écriture usuelle, la calligraphie
et la typographie y sont intimement liées. une telle étude fournit
les outils nécessaires à la compréhension des formes
et des sens qui s’en échappent.
l’écriture, au cours du temps entretient une étroite
complémentarité entre ses origines et les usages d’une époque donnée.
de génération en génération, les hommes ont pétri ces signes
pour faire coïncider le mieux possible formes et fonctions. les lettres de
l’alphabet arabe sont donc sans aucun doute profondément
liées à leurs graphies les plus anciennes.
mais à quoi sont dues ces transformations ? dans
quelle mesure et de quelle manière a-t-on pu concilier
de façon harmonieuse et censée,
tradition et contemporanéité ? pour le comprendre,
seraient : tout d’abord, le contexte culturel.
on observe dès les premiers systèmes pictographiques,
des variations dans la représentation
d’éléments simples. ainsi, le contexte culturel influe
sur les formes de représentations archétypales (de l’eau, par exemple).
les aléas de l’histoire. au fil des conquêtes,
des échanges et des migrations, des peuples et des civilisations
sont amenés à dépendre
de différents systèmes d’écritures. ces derniers,
en contact suivi, ont eu toute la latitude pour s’emprunter
les uns aux autres du matériel
linguistique à tous les niveaux, à la fois morphologique,
phonologique, lexical ou syntaxique.
le support et l’instrument traceur. les signes cunéiformes
mésopotamiens tracés au calame dans l’argile ne ressemblent
pas aux traces de pinceaux chinois sur le papier.
et finalement, l’homme, qui d’une part selon son émotion
et sa sensibilité, et d’autre part par recherche de
l’économie du geste et souci
de fonctionnalité (reconnaissance par l’« autre »),
interprète et transforme le signe.
nous retracerons une généalogie sommaire du système d’écriture arabe
en évoquant quelques-unes des évolutions parallèles d’autres systèmes
qu’il nous semble pertinent de mentionner.
les écritures hiéroglyphiques
ces écritures sont constituées d'un large ensemble de signes devenus
à l'usage de plus en plus conventionnels et, s’affranchissant
du dessin originel, aboutissent aux pictogrammes.
le développement des civilisations et les nécessités de transmettre des informations
ont naître des signes et un langage. longtemps réservés aux pratiques magiques
ou religieuses, ces signes deviennent le moyen de dénombrer les troupeaux, d’évaluer
les richesses et de fixer des informations durablement. c’est l’éclosion
du stade le plus élémentaire de l’écriture, celui des systèmes synthétiques.
ils ne vont pas plus loin que la repro-duction graphique successive des idées que contient
une phrase et la lecture de ces écritures tient la plupart du temps du rébus.
les plus anciens témoignages d’écriture connus datent de –3300 et sont les tablettes
sumériennes en écriture pictographique découvertes dans les temples d’ourouk
en basse-mésopotamie. ces signes constituent un système de formes relativement simplifiées
capables de transmettre des informations plus ou moins précisément, par opposition
aux formes d’écritures plus précoces qui nécessitaient autant de signes que
d’énoncés verbaux possibles.
« l’apparition de la divination en mésopotamie et en chine
constitue […] l’étape immédiatement préliminaire à l’invention
de l’écriture. elle témoigne en effet d’une première forme
de rationalisation de l’image […]. les figures visibles sont conçues
comme formant un système entre elles et sont désormais perçues comme
des signes ».
¹
encyclopedia universalis, écriture
en effet, un progrès incalculable a été réalisé lorsqu’a pu être atteinte
la décomposition de la phrase en ses éléments, les mots, et que chaque signe
a désormais servi à noter un mot. le système d’ourouk comporte à l’origine
environ 1400 symboles et est compris sur l’ensemble d’une vaste
zone géographique. les transactions contractuelles, sous la forme d’inventaires
de biens, entre contrées éloignées, sont inscrites sur des blocs d’argile.
le système hiéroglyphique égyptien
est le système d’écriture pictographique le plus célèbre.
il apparaît vers –3200 et perdure sans grands changements
jusqu’à l’époque de l’empire romain. souvent
gravée en creux ou en relief sur des matières dures, la notation
idéographique est redoublée d’une notation phonétique :
un signe peut exprimer tantôt un mot, tantôt un son. le nombre
de signes reste à peu près constant jusqu’à la période
gréco-romaine où le nombre de phonogrammes a connu une forte augmentation.
les écritures cunéiformes
l’outil définit un module formel, chaque signe étant un agencement différent de ce même module.
l’écriture cunéiforme, en forme de clous ou
de coins diversement combinés, se répand en mésopotamie vers –3100.
l’utilisation de la tablette d’argile
et du poinçon, ou calame triangulaire fait évoluer
le pictogramme figuratif vers le signe modulaire abstrait.
ainsi environ 2800 ans avant notre ère, l’écriture pictographique sumérienne devient cunéiforme.
le système cunéiforme est emprunté par les akkadiens pour écrire leur propre langue sémitique. les signes
restent à peu près ce qu’ils étaient mais la complication du système devient extrême car les même signes
gardent leur valeur idéographique et phonétique dans les deux langues.
les écritures proto – sémitiques
elles ébauchent l’idée de système alphabétique, faisha nt correspondre un signe à un phonème.
l’alphabet peut être défini comme un système de signes exprimant les sons élémentaires du langage.
durant le second millénaire avant j.c. cette idée surgit chez les peuples sémitiques occidentaux des
rives de la mer rouge et de la méditerranée. les écritures proto-sémitiques sont l’origine des
principaux systèmes d’écritures alphabétiques ou syllabaire. autour de –1800, les écritures
protosinaïtiques, également appelées protocananéennes, 23 signes distincts à allure hiéroglyphique
amorcent l’idée de système alphabétique, soit un signe pour un phonème. l’alphabet
protosinaïtique est l’un des plus anciens alphabets connus. il semble être un dérivé des
hiéroglyphes égyptiens, où chaque symbole représente une consonne suivie d’une voyelle quelconque.
désormais l’écriture note les sons.
« nous atteignons le niveau phonématique. on distingue
les écritures syllabiques et les écritures alphabétiques.
ces dernières notent distinctement voyelles et consonnes.
certaines ne notent que les consonnes et, dès lors, la racine de trois
consonnes constitue une unité sémantique »
²
patrick guelpa, introduction à l'analyse linguistique, 1997
. les systèmes proto-sémitiques présentent
des prédispositions sémitiques :
« les langues sémitiques ont une configuration
qui n’est pas étrangère à l’évolution
du système des cunéiformes vers le principe
alphabétique : chacun des « mots »
y est formé d’une racine consonantique
(en général trois consonnes) qui « porte »
le sens tandis que les voyelles et certaines modifications
consonantiques indiquent plutôt la fonction grammaticale »
²
patrick guelpa, introduction à l'analyse linguistique, 1997.
-1900 quelques siècles après l’apparition
des premiers hiéroglyphes, les égyptiens adoptent
l’écriture hiératique
pour leurs usages quotidiens. les pictogrammes sont alors simplifiés, cursifs, et parfois combinés. tracée
à l’encre sur papyrus au calame, elle est orientée de droite à gauche.
en –1400,
l’alphabet ougaritique
(syrie du nord), composé de 30 signes cunéiformes,
est avec le système syllabique de byblos
un des premiers systèmes complets écrivant essentiellement
les consonnes. chaque signe ne note
qu’une consonne ou qu’un des trois
sons vocaliques a, e et u.
en modifiant à leur guise le traditionnel matériel
cunéiforme et en le réduisant d’un seul coup à une
trentaine de caractères, les scribes d’ougarit
ont « inventé » l’idée
d’alphabet. on a affaire par conséquent à un
véritable alphabet consonantique. il atteste d’un
ordre des lettres encore utilisé de nos jours
dans les alphabets modernes.
les écritures sémitiques
elles représentent les sons par un nombre limité de signes, dont les combinaisons permettent de transcrire phonétiquement les mots et les phrases.
en –1300,
l’alphabet phénicien
classique a conservé les 22 lettres-consonnes de sa version archaïque apparue
à byblos sur la côte libanaise. les formes de ces lettres gravées de droite à gauche sont seulement un peu plus anguleuses
qu’auparavant. il constitue le premier alphabet uniquement phonétique et deviendra le système d’écriture
le plus fertile de l’histoire.
on attribue aux phéniciens l’idée fondamentale de représenter les sons par un nombre limité de signes, dont les
combinaisons permettent de transcrire phonétiquement les mots et les phrases. le phénicien compte peu de voyelles,
et si l’alphabet des égyptiens n’en possédait que trois, que celui des hébreux ou des araméens un peu plus
tard ne les notait pas toutes, c’est simplement qu’ils n’en avaient pas besoin. en effet, dans ces
langues sémitiques, c’est la racine consonantique qui permet la reconnaissance du sens et relie entre elles les
significations proches. nous verrons que l’alphabet arabe a conservé ce mode alphabétique qu’on appelle abjad.
dans des siècles suivants, l’alphabet phénicien se répand en méditerranée et vers l’asie et donne naissance aux
familles d’alphabets qui donneront la plupart des langues sémitiques et indo-européennes (paléohébraïque, araméen,
écritures sud et nord arabiques, grec).
en –1000, l’alphabet araméen, langage de jésus et des apôtres, apparait à aram. dérivé et graphiquement très proche du phénicien,
il amorce cependant, pour quelques signes, une légère rotation dans le sens des aiguilles d’une montre. phénomène qui se poursuit
et s’amplifie dans la plupart des grandes écritures sémitiques et européennes. progressivement, les araméens diffusent leur alphabet
grâce à leur maîtrise des routes du proche-orient, qui s’affranchit du phénicien jusqu’au 8e siècle avant j.c. environ.
les anciens israélites et cananéens l’utilisèrent pour écrire leur propre langue dans une version plus carrée.
-800 l’alphabet grec naît. 24 lettres isolées notent voyelles et consonnes. il est l’intermédiaire occidental historique, géographique, graphique
et structurel entre l’alphabet sémitique
et l’alphabet latin.
-700 l’alphabet étrusque est adapté de l’alphabet grec.
en egypte, l’écriture démotique devient officielle. très cursive, riche en ligatures et en abréviations, elle a perdu tout aspect figuratif.
dans les siècles suivants, deux alphabets
naissent successivement de l’araméen:
d’une part l’alphabet hébreu carré en –515, puis le syriaque en 100. ainsi, en quelques siècles,
les fondements de l’alphabet arabe sont posés. de l’araméen, l’arabe tient le nom des lettres
(alef, jeem, dal, zai, sheen…), la représentation graphique de sons similaires (sad, dad, ta, tha…), la connexion
entre les lettres dans un même mot, et plusieurs formes d’une même lettre selon sa position dans le mot.
-400 l’alphabet latin est adapté de l’alphabet étrusque. l’écriture grecque se répand grâce aux conquêtes d’alexandre le grand.
-300 fondation de la bibliothèque d’alexandrie.
dans l’empire romain, des inscriptions lapidaires en quadrata (capitales) apparaissent. -200 l’écriture copte est adoptée en égypte.
la pierre de rosette: copie d’un décret de ptolémée 5 sur une stèle en hiéroglyphes égyptiens, en démotique et en grec. les écritures puniques
et libyco-berbères sont attestées en afrique du nord.
au début du 1er siècle avant j.c, l’écriture nabatéenne naît dans la ville de petra, capitale du royaume nabatéen au nord de la mer rouge
dans l’actuelle jordanie, et s’étend dans le moyen-orient. elle ne comporte aucune voyelle, s’écrit de droite à gauche et est utilisée
jusqu’au 6e siècle.
« lorsqu’ils avaient à écrire, les arabes utilisaient un alphabet dérivé du phénicien,
l’alphabet nabatéen, mais écrivaient dans la langue commerciale de l’époque, l’araméen.
et c’est cet araméen en alphabet nabatéen qui va peu à peu s’arabiser pour donner naissance à l’alphabet arabe actuel »
¹
louis-jean calvet, histoire de l'écriture, 1996.
au début du 2e siècle est créé, d’après l’araméen en mésopotamie, un des parents les plus proches de l’alphabet
arabe: le syriaque. les plus anciens documents connus sont des inscriptions du 1er siècle. cet alphabet cursif s’écrit de droite
à gauche, il contient 22 lettres (toutes des consonnes), et qui peuvent être dans certains cas liées les unes aux autres. certaines
consonnes peuvent aussi avoir le rôle de voyelles.
il connaît cependant plusieurs formes au cours du temps: l’estrangello (5e siècle, qui influencera majoritairement l’écriture arabe),
la forme nestorienne (7e siècle), la forme
jacobite ou encore serta (8e siècle). son usage est aujourd’hui liturgique.
100 lpremière utilisation du papier en chine.
400 lapparition d’écritures cursives communes latines. l’alphabet sogdien, dérivé de l’araméen se développe
en asie centrale. les alphabet arménien, géorgien et le syllabaire éthiopien apparaissent dans leurs régions respectives.
l’opinion dominante est que l’arabe est la langue sémitique la plus typique, la plus proche du proto-sémitique. considérant qu’elle
est la dernière langue à avoir quitté le berceau primitif de tous les peuples sémitiques, elle n’en aurait que mieux gardé les caractéristiques
les plus « pures » de la famille.
la filiation exacte de l’écriture arabe est cependant controversée. on la considère comme issue soit de l’écriture nabatéenne, soit de
l’écriture syriaque, mais
« il semble qu’il ait existé nombre
d’influences à l’œuvre dans le développement de l’écriture arabe »
²
françois déroche, L’écriture arabe, 2001
la question de l’origine est agravée par
« la profonde usure dont témoignent les lettres, réduites à quelques traits ou boucles extrêmement simples et liées entre
elles comme s’il s’agissait de la forme cursive d’une écriture ayant derrière elle une très longue histoire ».
²
françois déroche, l’écriture arabe, 2001
de plus, les témoins pré-islamiques de l’écriture arabe sont très peu nombreux: cinq courtes inscriptions seulement, dont la plus ancienne date du 4e siècle.
« in the words of j. ryckmans, the development ’must not be considered as a linear progression in one direction
(from nabataean to kûfic), but as a sum of various trials, influences, innovations, ands dead ens in an discontinuous cultural milieu’.
since new inscriptions in other languages of pre-islamic arabia are being found and published with increasing regularity, one can hope
that the missing link, if there is one, between nabataena and arabic or syrica and arabic may some day be discovered ».
³
james a. bellamy, The Arabic Alphabet, 1989
nous sommes à la veille de la naissance de l’alphabet spécifiquement arabe et avons parcouru plusieurs siècles au cours desquels
ses ascendances ont été transformées, adaptées. nous pouvons déjà remarquer combien la généalogie d’une écriture semble constituer
une histoire « logique et ordonnée ». il semble même possible d’établir une certaine causalité dans le
processus de constitution d’un système d’écriture. les acteurs principaux dont dépendent l’évolution des signes et
les variations de l’écriture
2
naissance et premiers développements
du 6e au 15e siècle
à l’origine, l’arabe est la langue de tribus nomades qui sillonnaient les steppes et les déserts d’arabie.
mais cet état de choses, qui existait probablement depuis des siècles, est brusquement bouleversé à partir du second tiers du 7e siècle
à la suite du succès rencontré par mahomet qui prêche une nouvelle religion monothéiste, l’islam.
le monde nouveau des arabes musulmans refuse d’exprimer au travers des images la foi
du croyant et, plus généralement, les sujets graves. ceci par refus de s’engager dans les discussions très complexes d’un monde qui
accordait à celle-ci une importance excessive. c’est ce que le penseur oleg grabbar appelle « l’aniconisme »
officiel de l’islam. l’écriture acquiert ainsi un double statut : elle joue à la fois le rôle de transmission d’un texte
et celui d’image. les contraintes particulières à l’islam ont-elles servi de sources d’inspiration ou ont-elles agi comme frein
au développement de l’écriture ?
une fois que l’écriture arabe proprement dite apparaît, portée par les conquêtes islamiques,
elle va, en quelques décennies, s’étendre sur un immense empire. dans les deux ou trois siècles qui suivent, l’arabe intègre l’ensemble
de l’héritage culturel, scientifique et philosophique des vieilles civilisations de la région et devient le moyen d’expression écrite de milliers
d’auteurs dans tous les domaines de la vie culturelle. la technologie s’est épanouie et l’importance de lire le coran a produit un niveau
relativement élevé d’instruction parmi la population. quelles évolutions de l’écriture, cette époque où l’islam en tant que communauté
politique était parmi les plus puissantes au monde, a-t-elle provoquées ?
la naissance
dérivés du nabatéen et/ou du syriaque selon les interprétations, les premiers signes officiels de l’écriture arabe se développent au vie siècle,
dans le royaume arabe préislamique des lakhmides, situé à l’ouest et au sud de l’euphrate. le document le plus ancien écrit en arabe connu à
ce jour est une dédicace trilingue (grec-syriaque-arabe) datée de 512 et découverte à zabad. les formes, qui se distinguent de plus en plus des signes
nabatéens, constituent l’écriture appelée nord-arabique. elle est alors utilisée en arabie du nord-est et s’étend progressivement parmi
les tribus arabes qui peuplaient hirah et anbar, puis en arabie occidentale, dans le hedjaz.
avant tout de tradition orale, l’arabe connut tardivement une transcription écrite se limitant à quelques pierres tombales ou commémoratives.
le jazm, raide et anguleux, est l’écriture spécifiquement arabe la plus ancienne et est en quelque sorte le socle de l’écriture de tous
les arabes. ainsi, chaque ville développe à cette époque une calligraphie dérivée du jazm. l’anbari de anbar, le hiri de hirah, le makki de la mecque,
le madani de médine… toutefois les différences sont de minces subtilités. en fait, trois principaux styles étaient employés : ceux connus
à médine portaient les noms de mudawwar (arrondi), muthallath (triangulaire), et le ti’m (jumeau, composé des deux précédents) desquels résultent deux
larges carégories dont les différences sont surtout venues, à l’origine, du matériel employé. l’une est angulaire et rectiligne, et l’aïeul
du style coufique : le mabsut, l’autre est souple et cursif : le muq awar.
une langue et une écriture sacrée
dans chaque écriture se retrouve le même désir d’éternité, fonction première de l’écriture par opposition à la fugacité de la parole.
dans le cas de l’arabe, même si le coran est d’abord diffusé par la tradition orale et même si la société antéislamique disposait déjà
d’une base écrite, c’est principalement l’islam qui est le déclencheur du passage de l’oral à l’écrit et qu’il
s’agit de préserver dans sa pureté originelle. à la mort du prophète mahomet en 632, l’islam, dernière née des trois religions
monothéistes, apparaît en arabie. véhicule de la révélation de l’ange gabriel, l’arabe enferme en lui un caractère sacré exceptionnel.
le coran, codifié sous le règne du calife uthman (644–656) est la forme terrestre du coran éternel et incrée, transcrit au ciel
« par le qâlâm suprême sur la table gardée »
¹
coran lxxxv, 22
que seuls les anges peuvent approcher.
« l’arabe est l’écriture sacrée que dieu a spécialement choisie pour transmettre à l’humanité son message divin »
¹
coran lxxxv, 22.
l’écriture arabe est donc fondamentalement liée à l’existence et à l’expansion de l’islam. le coran ne peut être récité
qu’en arabe, et la diffusion de l’islam qui ne s’appuie pas sur l’image du dieu ni celle des personnages saints, par
opposition à la plupart des autres religions, a obligé les musulmans à définir une typographie la plus explicite qui soit, belle et digne de
la révélation divine afin d’éviter que le message d’allah ne puisse être trahi. copier le coran dans une écriture harmonieuse a
fait de la calligraphie une forme artistique en soi, sans équivalent dans aucune autre civilisation. toutefois ce respect figé de la langue
n’a pas nuit à l’écriture arabe et le patrimoine graphique de toute cette civilisation s’est greffé ou quasiment substitué à
la pratique flamboyante de la calligraphie.
les premières copies du coran sont dérivées d’exemplaires, réalisées à l’époque en jazm. apparaissent à cette époque les variantes
médinoise et mecquoise du jazm : le mail (écriture couchée), le mashq (écriture allongée) et le naskh (inscriptionnel); seules les
deux dernières perdurèrent.
la langue arabe, dans sa forme écrite comme dans sa forme orale,
exerce une autorité symbolique. quand elle ne relaye pas le message divin, la langue arabe est celle de la littérature et de la poésie. dans
la société arabe traditionnelle, le poète est à la fois le messager et le porte-drapeau de sa tribue. sa parole, surinvestie par le groupe est
objet de respect, de vénérations et de craintes. la perfection formelle des poèmes islamiques laisse supposer l’intention de rendre ce
pouvoir visible et sensible à la lecture. on peut aisément comprendre que dans cette civilisation, le langage, et par conséquent l’écriture,
sont des instances extrêmement signifiantes. la parole a un poids et un pouvoir particuliers, d’où l’attention exceptionnelle portée
à sa transcription graphique.
les pôles d’enseignement
avec les conquêtes islamiques, la diffusion
de la lecture par le coran entraîne la création
de plusieurs pôles d’enseignement.
l’objectif étant de préserver une relative homogénéité
quant à l’utilisation de la langue arabe.
à koufa et bassora, se développent d’une part
des écoles de grammaire dans lesquelles on tente
de collecter les nombreux dialectes plus
ou moins proches que compte déjà la langue arabe,
et d’autre part des écoles de copistes
qui élaborent une calligraphie propre à la rédaction
du coran, pour garantir l’intégrité
du texte et l’unité d’écriture.
ils diffusent et imposent ensuite des copies
modèles d’écriture de celui-ci à travers
le monde musulman.
650 à koufa naît l’écriture coufique, largement inspirée
de l’écriture de la ville voisine hirah.
alors que l’écriture mashq devient légèrement plus cursive,
le coufique est caractérisé par une graphie anguleuse et des formes carrées prononcées, faites
de courtes ascendantes et d’horizontales prolongées.
le coufique atteint sa perfection dans la seconde moitié du viiie siècle et acquiert de facto
une préeminence qui va durer plus de trois siècles :
elle devient l’écriture officielle employée pour
la rédaction du coran.
réformes et codifications
avec l’augmentation de musulmans non-arabes, s’installe
le besoin de rendre plus facilement accessible la lecture
et l’apprentissage de l’arabe.
à cette époque, plusieurs lettres de l’alphabet partagent
la même forme et les voyelles ne sont pas indiquées.
il s’avère par conséquent impérieux de conduire
certaines réformes visant à éviter les confusions
et les interprétations erronées.
le fondateur de la grammaire arabe abou
aswad al douali, invente, au 7e siècle,
le système de signes diacritiques : aux lettres
de mêmes formes sont ajoutés des points rouges positionnés différemment,
pour noter les voyelles brèves (tashkeel).
cette révision fut complétée par nasr ibn asim et yahya ibn yamour,
qui pour régler le problème de la différenciation des
consonnes partageant une même forme, récupérèrent un système fondé
sur l’usage de petits points noirs placés au-dessous
ou au-dessus de la lettre par groupe de
deux ou trois (i’jam).
les alphabets syriaque, nabatéen et palmyrien avaient
déjà eu recours à ce moyen pour les mêmes raisons.
proportions de l'écriture cursive
l’écriture arabe a alors évolué dans deux directions formelles distinctes.
on distingue alors les écritures incurvées et arrondies comme le naskh,
de celles allongées et droites comme
le mashq et le coufique. la première remonte aux premières décennies de l’ère
musulmane et, ne s’étant pas tant développée que l’autre,
elle manque à cette époque de règles
et d’élégance et ne sert qu’à des usages profanes. avec l’expansion
rapide du monde musulman au 8e siècle, des divergences
dans la pratique de l’écriture cursive
apparaissent entre l’andalousie et les frontières de la chine.
le vizir et calligraphe ibn moqla (846—940) rédige vers 900 à bagdad,
un code pour la calligraphie visant à rationnaliser l’écriture
arabe, le khatt al-mansûb. il y définit des
règles régissant les proportions des lettres
selon trois mesures : le point (unité relative à l’outil qui donne
les 3 coordonnées hauteur, largeur, courbure), l’alif et le cercle. toutes
les lettres rentrent dans un cercle
dont le diametre est égal à la hauteur du signe alif. il officialise également
les signes diacritiques, le zéro et le point de ponctuation, et donne de nombreux
conseils sur la fabrication de
l’encre et sur la coupe du calame.
cette réforme a deux ambitions : réduire les variantes dans
l’écriture du coran, sujettes à trop de querelles, et le but administratif
de garantir la lisibilité et l’harmonie
de l’écriture arabe courante. progressivement, les écritures cursives
deviennent proéminentes et adoptables pour l’écriture du coran au dépens
du coufique. au 11e siècle, ibn al-bawab
(mort en 1022) ajoute raffinement et équilibre aux règles géométriques
d’ibn moqla, et de nombreux autres calligraphes perfectionnèrent
encore sa méthodologie dans les siècles suivants.
développements calligraphiques
au 13e siècle, une nouvelle codification de l’écriture
considérant les pratiques calligraphiques dans les chancelleries ou les mosquées est adoptée.
en effet, aussi paradoxal que cela puisse paraître, plus l’islam
s’étend, plus les autorités compétentes essayent de donner à l’arabe sa forme
sacrée absolue et plus les dérives calligraphiques viennent
l’enrichir de variations stylistiques. yaqut al-mustaasimi (mort en 1298)
autorise alors six styles,
six variantes calligraphiques : le thuluth, le naskh, le muhaqqaq,
le rayhani, le tawaqi et le riqa. bien que différents styles aient existé
bien avant, et que
ces six styles n’aient été que les principaux parmi
un très grand nombre de dérivés calligraphiques plus ou moins éphémères
ayant fleuri à travers le vaste
territoire arabo-musulman, ce n’est qu’à cette époque
qu’ils sont intégrés et officialisés dans la pratique et la tradition classique.
les styles coufiques
l’appellation coufique comprend toutes les écritures
anguleuses et contient par conséquent un grand nombre de variantes.
après les méthodes dictées par ibn moqla, et l’usage de supports
lisses mieux préparés (parchemin, vélin, papier),
l’écriture coufique
se dégage de la rudesse du coufique original, s’affine
et utilise le contraste des pleins et déliés. ainsi,
dans sa version occidentale, le coufique s’échappe
de sa rigueur géométrique initiale
pour accéder à une écriture plus souple et plus fine.
les copies du coran s’enrichissent d’éléments
décoratifs qui accentuent la hiérarchisation des textes
par la mise en valeur et la séparation
des versets. le maghribi sera l’aboutissement
de ce contraste entre construction des lettres anguleuses
et tendance cursive du calame.
lors de l’épanouissement de la civilisation arabe,
les activités artistiques se développent, notamment
l’architecture et la décoration. du fait des interdits
religieux, l’écriture devient une
part prédominante de la décoration murale, tant
à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments.
le sens d’écriture arabe étant particulièrement adapté
à la gravure, le ciseau du tailleur
de pierre accentue la rigueur géométrique du coufique
et profite de ses propriétés particulièrement adaptées
à l’art du motif pour les ornements l7pidaires.
la contrainte technique d’une entaille triangulaire
aux extrémités des traits verticaux se transforme
en éléments décoratifs variables, d’abord dans
les textes gravés, puis dans les textes calligraphiés.
à une période de classicisme équilibré, où le coufique
est soigné, calibré, et aéré, succède une surenchère
dans l’exploitation de l’écriture
à des fins décoratives, allant jusqu’à un
style surchargé qu’on peut presque qualifier de baroque.
les lettres se terminent alors par des demi-palmettes,
une tendance qui prend le nom de coufique fleuri, ou tressé
lorsque l’écriture
prend un tournant particulièrement décoratif et complexe.
toutefois la plupart du temps, malgré la richesse graphique
des ornements, les textes restent très lisibles.
le coufique connaît aussi une utilisation monumentale
quand l’écriture est employée en mosaïque.
dans une géométrisation ultime où aucune courbe ne subsiste,
le coufique se prête particulièrement
à l’art du motif. les structures logotypiques
créées offrent des sens de lecture labyrinthiques,
parfois lisibles en positif et en négatif.
les styles cursifs
l’appellation coufique comprend toutes les écritures anguleuses et contient par conséquent un grand nombre de variantes. après les méthodes dictées par ibn moqla, et
l’usage de supports lisses mieux préparés (parchemin, vélin, papier), l’écriture coufique se dégage de la rudesse du coufique original, s’affine et utilise
le contraste des pleins et déliés. ainsi, dans sa version occidentale, le coufique s’échappe de sa rigueur géométrique initiale pour accéder à une écriture plus souple
et plus fine. les copies du coran s’enrichissent d’éléments décoratifs qui accentuent la hiérarchisation des textes par la mise en valeur et la séparation
des versets. le maghribi sera l’aboutissement de ce contraste entre construction des lettres anguleuses et tendance cursive du calame.
lors de l’épanouissement de la civilisation arabe, les activités artistiques se développent, notamment l’architecture
et la décoration. du fait des interdits religieux, l’écriture devient une part prédominante de la décoration murale, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur des bâtiments. le sens d’écriture arabe étant particulièrement adapté à la gravure, le ciseau du tailleur de pierre accentue la rigueur
géométrique du coufique et profite de ses propriétés particulièrement adaptées à l’art du motif pour les ornements lapidaires.
la contrainte technique d’une entaille triangulaire aux extrémités des traits verticaux se transforme en éléments décoratifs variables, d’abord dans
les textes gravés, puis dans les textes calligraphiés. à une période de classicisme équilibré, où le coufique est soigné, calibré, et aéré, succède une surenchère dans
l’exploitation de l’écriture à des fins décoratives, allant jusqu’à un style surchargé qu’on peut presque qualifier de baroque. les lettres
se terminent alors par des demi-palmettes, une tendance qui prend le nom de coufique fleuri, ou tressé lorsque l’écriture prend un tournant particulièrement décoratif
et complexe. toutefois la plupart du temps, malgré la richesse graphique des ornements, les textes restent très lisibles.
le coufique connaît aussi une utilisation monumentale quand l’écriture est employée en mosaïque. dans une géométrisation ultime où aucune courbe ne subsiste,
le coufique se prête particulièrement à l’art du motif. les structures logotypiques créées offrent des sens de lecture labyrinthiques, parfois lisibles en positif
et en négatif.
le naskh,
écriture naskh avant la codification d'ibn moqla
dont les origines remontent au 8e siècle, est apparu dans
sa forme systématisée
au 9e siècle. auparavant considéré comme peu raffiné,
il était surtout utilisée pour la correspondance ordinaire
et les écrits profanes. avec l’arrivée du papier,
qui remplaça le parchemin, grâce au modèle d’ibn moqla
et de ibn al-bawbab qui en fit une écriture élégante, ce style
gagna ses lettres de noblesse et servit
d’écriture principale aux corans. à ce jour d’ailleurs,
il y a plus de corans copiés et imprimés en naskh que dans toutes
les autres écritures arabes réunies
en raison de sa relative facilité de tracé.
il est presque toujours formée de courts traits
horizontaux et de verticales d’égales longueurs. les courbes sont pleines et profondes,
les jambages droits et verticaux, et les mots assez espacés
en général.
le mohaqqaq
était originellement une écriture dont les lettres étaient moins angulaires que le coufique, avec des combinaisons de lettres bien espacées; l’ensemble
était « produit avec méticulosité » comme son nom l’indique.
avec la découverte du papier, l’écriture acquit
une certaine rondeur qui la rendit plus facile
à tracer. modifiée par ibn moqlah, elle conserva
des déliés allongés presque sans pleins
ni enjolivures accusées sous les lignes.
apparu au 9e siècle,
le rayhani
a des liens de parentés certains avec le naskh,
le tuluth et le mohaqqaq. il fut surtout utilisé
par les perses pour les grands corans.
les caractéristiques de ce style sont des lettres
d’une grande finesse accentuée par les fioritures
et les terminaisons en pointes aigües.
les signes diacritiques sont très fins et toujours appliqués
à l’aide d’une plume différente. également
très proche du mohaqqaq, car entre autre les contre-formes
des boucles ne sont jamais remplies.
le tawaqi
qui signifie signature, est issu de l’écriture riyasi,
que les califes abbassides utilisèrent dès le ixe siècle
pour signer leur nom et leur titre. son usage
prestigieux développera beaucoup l’emploi des combinaisons
de lettres de façon à former un ensemble calligraphique
le plus harmonieux qui soit.
plus arrondie que le thuluth, l’écriture tawaqi
est assez proche de l’écriture riqa, mais
s’en distingue par des lignes plus épaisses,
des courbes plus arrondies, ce qui lui donne
une apparence beaucoup plus lourde.
elle est également plus grande et plus élégante que
le riqa ce qui en fera une écriture utilisée
pour les occasions importantes.
l’écriture
riqa
(petite feuille) provient à la fois du naskh et du thuluth.
son emploi fut réservé au courrier personnel
et pour les livres profanes de moyen format. c’est
aujourd’hui l’écriture manuscrite la plus employée
dans le monde arabe.
la forme géométrique de ses lettres et particulièrement
les décorations des finales ressemblent beaucoup
à celles du thuluth. néanmoins, elle est bien plus petite,
dotée de courbes plus arrondies et ses alifs
ne sont jamais écrits avec des barbelures. le centre des boucles
des lettres est invariablement rempli,
les lignes horizontales sont très courtes
et les ligatures structurées avec densité.
le thuluth
apparu au 7e siècle, est essentiellement employé
pour les têtes de chapitre, les titres, les colophons…
on le considère comme la plus importante des écritures ornementales.
ses formes ont évolué au long des siècles et de nombreuses
versions différentes sont visibles sur les monuments architecturaux,
les objets d’art en verre, le métal,
le textile et le bois.
ce style est souple et légèrement emphatique
par ses courbes généreuses.
développements calligraphiques tardifs
au maghreb, dans la partie occidentale de l’empire islamique,
des formes spécifiques d’art furent développées.
la calligraphie n’échappa pas à cette tendance. c’est
ainsi que le coufique occidental se développa vers 670 à kairouan.
ce coufique est sensiblement plus souple que son homologue oriental
et surtout fait preuve d’une plus grande cursivité
grâce à ses courbes bien déterminées et ses demi-cercles presque parfaits.
de ce coufique, nacquit le maghribi et ses variantes. sensiblement
plus souple que son homologue oriental et surtout
fait preuve d’une plus grande cursivité grâce à ses courbes
bien déterminées et ses demi-cercles presque parfaits. de ce coufique, nacquit
le maghribi et ses variantes.
c’est une écriture cursive qui surpasse
en délicatesse les autres cursives orientales par la finesse
de ses lignes, la liberté coulante de ses courbes ouvertes,
la clarté et la rondeur de ses boucles et par-dessus tout,
par les fioritures accusées sous les lignes
qui lui confèrent une qualité unique d’intégration.
un autre aspect du maghribi est que ses déliés
se terminent invariablement par une légère courbe
vers la gauche, en une fin assez émoussée, tandis
que ses pleins ont une ligne effilée dont les courbes,
tournées aussi vers la gauche, peuvent se prolonger
jusqu’à l’aire du mot situé au-dessus.
en perse, au 16e siècle, l’écriture
taliq fut adaptée d’une écriture ancienne
cursive sans prétention à la langue persane, le pehlevi.
dans cette écriture chaque mot suit une ligne
de base pentue.
le nastaliq
est une variante du taliq formée à la fin du
15e siècle et est devenue
l’écriture nationale perse.
le nastaliq se distingue par ses formes arrondies,
sa clarté et sa pureté géométrique. il est également
caractérisé par un manque de hauteurs en pointe,
des dents dans les lignes horizontales
de certaines lettres (sin et shin), un remplissage fréquent
du centre des boucles, et la terminaison de la plupart
des lettres non liées en traits fins et pointus.
un autre aspect commun est que les courbes montrent
un fort contraste dans la largeur de leur ligne
qui change brusquement du maximum au plus fin.
les pentes extrêmes des lignes d’écriture entraîneront
des mises en pages foisonnantes et très originales.
il est à noter que cette période est également marquée
par la richesse d’enluminure des corans en perse,
réalisés à cette époque en nastaliq.
la calligraphie ottomane
à une longue période de styles calligraphiques
équilibrés et lisibles, succédera une période
de production davantage maniérée, séduisante esthétiquement
mais parfois surchargée ou difficile à déchiffrer.
essentiellement décorative, et preuve d’une virtuosité
sans pareil, ce style de production
est parfois réalisé dans le but d’en réserver
le sens à une élite religieuse ou intellectuelle.
les ottomans dominèrent le monde islamique à partir de la défaite
mamelouk
page de coran, 14e siècle, dynastie mamluk, égypte
de 1517. ils étaient renommés pour leur amour de la calligraphie
et surent assimiler toutes les traditions calligraphiques
et ornementales arabes et perses.
mêlé de superstition, l’ancestral respect sacré devant les signes éloquents
se transforme parfois en activité symbolique et mystique. la calligraphie
est alors support de méditation, transcription de la pensée divine et harmonieuse.
cette attitude vis-à-vis de l’écriture demeure une particularité
importante du développement du monde arabe, faisha nt aussi, malheureusement
parfois, obstacle aux innovations possibles.
le shekasteh (forme brisée) fut la première écriture spécifiquement ottomane
issue par ailleurs directement de la tradition persane. il était réservé
aux lettres personnelles et à la correspondance d’affaires.
ce style est caractérisé par une compacité
exagérée due à des ligatures étroitement
jointes, à des verticales basses et penchées.
le diwani
est une écriture développée au 15e siècle, fortement cursive et dont les lettres sont dénuées de points et liées inhabituellement ensemble. il est à
l’origine créé pour l’usage exclusif du pouvoir impérial, les décrets et édits officiels. l’élaboration définitive du jeli diwani date
de cette époque également.
la principale caractéristique de ce style réside dans des ornements abondants et des procédés décoratifs variés qui n’ont
pas nécessairement de valeur orthographique. l’ensemble se présente comme une masse solide et structurée, formant des rectangles droits ou
légèrement courbes, ou bien d’autres figures géométriques.
le ruq’a
est inventé par aboul fadl mohamed ibn khazin pour faciliter les écrits administratifs.
cette écriture se distingue par l’économie extrême
des mouvements du calame et l’élimination de tout effet de style gratuit.
la pente de la ligne d’écriture, comme en taliq est fortement marquée.
la rapidité et la facilité de son tracé ont fait
la popularité de cette écriture, toujours largement utilisée de nos jours.
dans le siècle qui suit la mort du prophête, les arabes, unifiés
par l’islam et profitant de l’état de mutuel épuisement dans lequel
s’étaient mises bysance et la perse, vont conquérir un empire gigantesque.
un grand désordre règne dans la pratique de l’écriture,
les arabes se retrouvent alors dans la situation de gérer et administrer
de vastes régions ainsi que certains des plus grands centres urbains du monde
de l’époque, comme damas, ctésiphon ou alexandrie.
sur le plan de la politique linguistique deux mesures fondamentales vont être adoptées :
l’instauration de l’arabe comme seule langue administrative
de l’état pour faciliter la communication entre provinces éloignées et bagdad,
capitale de l’empire, devenu problématique, et l’amélioration
du système graphique de la langue pour permettre une lecture enfin
sans ambiguïté des documents écrits et surtout mettre fin aux divergences sur le texte coranique.
ces deux facteurs « polémique » et administratif, ont ainsi influencé
les formes qu’a prises l’écriture arabe pour tendre
vers un standard pieux et pratique. les réformes et codifications successives et
les contraintes particulières à l’islam ont fourni
une variété extrêmement riche d’interprétations : de ses premières formes
se dégagent des styles, des particularités locales, des standards calligraphiques.
de plus, la civilisation musulmane a privilégié l’art calligraphique,
et la créativité des calligraphes, les nombreuses techniques employées
sur des supports divers ont offert à l’écriture une place de choix dans
l’univers visuel islamique ainsi qu’une variété et une richesse formelle immenses.
3
l’imprimerie et les lettres arabes
enjeux politiques, religieux, traditionnels et techniques
depuis le 14e siècle, l’ensemble du monde arabe
est sous domination du premier grand empire de cette époque,
celui des ottomans. bien qu’elle demeure, avec le persan,
la langue religieuse ou littéraire principale, l’arabe
donne naissance à plusieurs dialectes turcs, l’ourdou
et bien d’autres, écrits avec l’alphabet arabe.
l’essor des procédés d’impression dans les pays
occidentaux au 15e siècle joue un rôle important dans
le développement de caractères typographiques arabe. ceux-ci
deviennent un outil majeur de communication et de propagande au
cours des conquêtes en orient. étant donné que ces progrès
techniques vont à l’encontre de traditions et convictions
spécifiques à la culture arabo-musulmane, comment le monde
arabe a-t-il réagi à ces découvertes ? la typographie arabe se
heurte lors de son développement à différents obstacles
d’ordres religieux, technique et social. comment une écriture aussi
spécifique que l’arabe peut-elle s’adapter
à un procédé conçu pour un autre système? doit elle s’y conformer ?
genèse
le premier procédé d’impression est inventé en chine autour de 730,
il s’agissait alors de xylographie, c’est-à-dire de planches de bois
où les caractères sont en relief. les formes extrudées (images et/ou textes) à imprimer sont encrées,
un format de papier est appliqué sur la surface et le tout pressé à l’aide
d’un rouleau ou d’une presse. ce procédé se répand rapidement en corée,
au japon.
en 1045, pi-sheng fabrique des caractères mobiles en argile durcie au feu. peu après,
l’argile est successivement remplacée par l’étain, le bois, le bronze…
l’objet livre (feuilles pliées en cahiers puis reliées) remplace le rouleau vers la fin du 10e siècle.
étrangement, lors de leurs conquêtes, les arabes restèrent indifférents
à la xylographie mais pas à l’usage du papier inventé en chine au 2e siècle. samarcande
(ville de l’actuel ouzbékistan) premier centre de fabrication
de papier du monde musulman, usa de la xylographie, mais demeure une exception. ce déni technologique
n’empêche pas, à cette période de l’histoire, la civilisation arabe
de produire quantité d’ouvrages de très grande qualité, de développer une industrie
livresque importante au moyen des bibliothèques, des copistes, des librairies,
des fabricants de papier et des écoles.
obstacles
quand l’imprimerie et les caractères mobiles font leur apparition en europe,
au cours du 15e siècle,
la reproduction en masse d’ouvrages et de connaissances engendre un nouvel
essor et l’imprimerie devient un outil de
communication majeure. le procédé d’impression donne naissance à de nouvelles formes
d’expressions artistiques, à un
intérêt et un besoin de promouvoir tous les domaines liés aux métiers de l’imprimerie.
beaucoup de pays non-arabes ont par ce biais joué un rôle important
dans le développement de caractères typographiques arabes.
mais adapter ces technologies à un système d’écriture pour lequel elles n’ont
pas été conçues confronte les graveurs et fondeurs à
de profondes difficultés techniques. en effet l’imprimerie et l’écriture arabe
semblent, à cette époque, incompatibles.
les avancées technologiques européennes traversent les frontières et atteignent les pays
arabes où les sociétés ont moins progressé autant du
point de vue politique que social ou économique. l’alphabétisme et l’accès à
l’éducation y sont rares, par ailleurs la plupart
des technologies et connaissances spécialisées sont importées des pays européens.
la complexité inhérente à l’écriture arabe constitue un handicap de plus. elle
contient peu de caractères de base mais au prix d’un grand
nombre de signes supplémentaires : signes de voyellation, de redoublement,
signes orthographiques pour éviter les ambiguïtés, de nombreuses
formes alternatives selon la place du signe dans le mot, des combinaisons
graphiques de certains groupes de lettres auxquels s’ajoutent facilement
décorations et ornements, propres à la culture arabe. on arrive ainsi
très facilement à une collection de 500 caractères pour composer intégralement un texte arabe.
les contraintes radicales du plomb obligent les fondeurs à abandonner la ligne de base
dansante pour un rigoureux alignement
linéaire, multipliant les problèmes de raccords entre les signes.
les conséquences des difficultés et complications d’adaptation entraînent
l’allongement du temps de travail de composition manuelle et
la multiplication des risques d’erreurs et de corrections. de plus les finesses
des caractères de plomb supportaient mal les chocs de la redistribution
et des tirages en grand nombre. enfin certaines formes typographiques telles que
les contreformes plus petites qu’en latin entraînaient l’encrassage
et le bouchage de certains lettres.
mais si l’imprimerie rencontre un succès si faible dans les pays arabes,
c’est aussi que la religion impose l’usage du calame et
l’activité éditoriale est encore exercée par les calligraphes. le passage
de la calligraphie à la typographie et au dessin de caractère ne s’y opère pas.
« les calligraphes descendirent manifester dans la rue […]
contre l’introduction de l’imprimerie qui, pensaient-ils,
annonçait la mort de la calligraphie »
¹
hassan massoudy, calligraphie arabe vivante.
réaction que rencontra également gutenberg dans
les pays européens où on le traita de faussaire
et ses textes d’« écriture
artificielle ». dans les pays arabes
la guilde des calligraphes s’opposa
avec succès à l’imprimerie jusqu’à
la fin du 19e siècle.
la calligraphie continue donc d’être
l’élément riche, expressif et principal de
l’imagerie arabo-musulmane. les inventions calligraphiques
continuent de nourrir et d’éclairer l’écriture
elle-même. elle devient aussi l’emblème et le symbole
de la culture et peu d’expérimentations technologiques
sont tentées de peur d’attirer les critiques religieuses.
la calligraphie continue donc d’être l’élément riche,
expressif et principal de l’imagerie arabo-musulmane. les inventions calligraphiques
continuent de nourrir et d’éclairer l’écriture elle-même.
elle devient aussi l’emblème et le symbole de la culture et peu
d’expérimentations technologiques sont tentées de peur
d’attirer les critiques religieuses.
premiers caractères mobiles arabes
les premiers caractères mobiles arabes sont produits
par les pays européens dans le but d’étendre
leur influence en orient. cette propagande occidentale
utilise les codes calligraphiques populaires de l’époque
pour s’attirer des fidèles. les missions chrétiennes
ou les diplomates européens vont jusqu’à installer
des imprimeries en pays musulmans pour
asseoir leur influence à l’encontre de l’islam
évangile de luc manuscrit, 993
depuis longtemps déja, les pays
occidentaux diffusent des ouvrages
religieux en pays musulman
pour s'attirer des fidèles.
(liban en 1482, constantinople en 1488) mais aussi de crainte
de voir l’influence calviniste gagner les églises chrétiennes d’orient.
le premier alphabet arabe imprimé apparaît à mayence en 1486,
sous forme d’une gravure illustrant un récit de voyage
à jérusalem imprimé par un dominicain nommé martin roth. il y est
présenté un alphabet arabe complet avec la prononciation
latine des lettres. en espagne, après la reconquista, pour ramener
les populations au christianisme, pedro de alcala, originaire
de grenade, imprime pour le clergé catholique, deux petits
livres comprenant les prières catholiques en arabe ainsi que l’ordinaire
messe en arabe et en espagnol. l’alphabet utilisé est
l’alphabet africain, transcrit en calligraphie maghrébine.
les premiers véritables ouvrages de typographie arabe
sont les oeuvres de paolo giustniani, un moine dominicain originaire d’une des plus
grandes familles de venise et de gènes et célèbre pour son érudition
et de gregorio de gregoriis, un imprimeur vénitien. en 1514, ce dernier
imprime l’horologium breve en caractère arabes.
en 1516, paolo giustniani dédicace au pape léon 10 un psautier en cinq langues : arabe, chaldéen, grec, latin et hébreux.
psautier en 5 langues, 1516
paolo giustniani
imprimerie et propagande
au 16e siècle, certains grands typographes
tels que l’italien
francesco griffo (inventeur de l’italique latine)
ou le français robert granjon créent sur commande des alphabets
arabes pour le compte de l’église catholique, pour
de grandes familles ou de grands éditeurs. avant tout pour diffuser des écrits
religieux, les caractères de cette époque sont
quelquefois basés sur des trésors de la reconquista et la fidélité
avec laquelle est reproduite
l’écriture arabe est souvent discutable.
en 1590, l’imprimerie vaticane publie les évangiles en arabe,
évangile, 1590
imprimé en caractère arabica grande
de granjon, pour la famille de médicis.
et en 1592 édite pour la première fois un livre
de grammaire arabe. c’est l’imprimerie
de saint-antoine au nord du liban,
qui donna en 1585 le premier livre imprimé en caractères
arabes en dehors de l’europe :
le livre des psaumes en syriaque
et en arabe transcrit en caractères syriaques.
la prépondérance économique, le savoir-faire et la technologie
occidentale et l’intérêt pour la typographie arabe
émerge aux pays-bas
et en allemagne. l’université de leyde en hollande
se dote d’une typographie arabe en 1595 et de devient
une scène notable de création
de caractère arabes en occident.
alors que l’italie, et notamment le vatican,
y voit un grand enjeu politico-religieux, l’imprimerie
de la propagande est fondée en 1627
par urbain 8, et produit des éditions en arabe pour continuer
d’approvisionner l’orient en ouvrages religieux.
on produit alors non seulement
les évangiles et d’autres textes religieux, mais aussi
des dictionnaires, des grammaires, et des ouvrages arabes
profanes tel le canon de la médecine
d’avicenne, la géométrie d’euclide
ou encore la géographie d’idrîsî.
savary de brèves et la typographie orientale en france
françois savary de brèves, célèbre orientaliste, a la volonté
clairement établie de communiquer à l’europe les sciences
des nations orientales. de brèves commence à faire graver
des caractères orientaux pour sa typographia savariana :
« j’ai depuis mon séjour en cette ville fait
travailler soigneusement à des caractères arabesques, persiens
et chaldées pour pouvoir faire imprimer ces trois
langues ». ainsi, sont gravés 353 poinçons dont un corps
de nastaliq, caractère méconnu en europe mais très populaire en orient et que de brèves
introduit pour la première fois en imprimerie. il publit
deux livres en arabe en 1613 et 1614 grâce à la précieuse aide
de deux libanais du collège maronite.
financée vraisemblablement par paul 5, la typographia savariana
va alors imprimer différents ouvrages religieux destinés au levant
mais également aux orientalistes européens.
rentré au pays, de brèves essaye de concrétiser son plus cher projet :
créer à paris un collège oriental auquel serait rattachée une imprimerie. mais
ce projet échoue rapidement. en 1615, la typographia savariana prend
le nom d’imprimerie des langues orientales arabiques. elle imprimera un ouvrage en turc
et une grammaire arabe avant de fermer ses portes.
c’est au 17e siècle qu’apparaissent en france
les premières impressions en arabe, avec le retour dans son pays natal de savary de brèves en 1614.
les matrices qu’il a ramenées ne lui servent que peu mais sont
toutefois récupérées et utlisées par antoine vitré qui devient imprimeur
du roi pour les langues orientales en 1630.
vitré achète en 1632 pour le compte de richelieu les caractères de de brèves,
pour éviter qu’ils quittent le royaume et ne puissent être utilisés par des huguenots
anglais ou hollandais calvinistes.
par la suite, les caractères savariens sont protégés et concervés à la chambre
des comptes avec les poinçons grecs de garamont pour empêcher qu’ils soient perdus ou
portés à genève ou en angleterre. les caractères de savary de brèves servirent
aux proclamations de bonaparte lors de sa campagne d’égypte en 1798, presque deux siècles
après leur création.
pour d’une part s’affranchir de la dépendance des fonderies
hollandaises mais surtout pour permettre aux missions calvinistes en orient d’exporter
des publications en arabe, l’anglais william caslon créa de son coté
en 1722 un caractère arabe pour les imprimeries des universités d’oxford et de cambridge.
les premières imprimeries d’orient
en 1610, des prêtres maronites font venir de rome
une imprimerie à caractères syriaques et l’installent à quzhayya dans un couvent du mont-liban.
caractères de plombs,
17 e siècle
imprimerie de quzhayya,
au mont – liban
considérée comme la première en orient, cette imprimerie ne possédait pas encore de typographie arabe.
elle publiait ses livres religieux en karchuni, des caractères syriaques utilisés pour transcrire l’arabe.
les ottomans avaient interdit les imprimeries sur leur territoire dès le 15 e siècle par peur que des fautes
d’orthographe ou autres se retrouvent dans les copies du coran, n’autorisant que les communautés juives,
arméniennes et grecques à imprimer, et seulement en leurs langues. cette interdiction fut levée en 1726 pour les publications
non religieuses et un livre en caractères mobiles arabes fut imprimé à istanbul en 1728.
en 1732, ibrahim mütteferrika, un intellectuel hongrois basé à istanbul, insatisfait des caractères proposés par les universités
et collèges occidentaux et utilisés dans son pays,
crée son propre alphabet.
dictionnaire de vankulu, 1729
ibrahim müteferrika.
il est un des premiers, au sein du monde arabe, à créer un caractère indépendamment des européens. par la suite,
des imprimeries fleurissent progressivement dans le monde arabe, à jérusalem en 1780, napoléon en installe au caire
et à alexandrie en 1798, d’autres apparaissent à karbala en 1856, mossoul en 1860…
la nahda
au 19e siècle, c’est dans un climat de désordre
et un besoin de réforme que va se développer le vaste mouvement politique et
culturel désigné sous le nom arabe de nahda, véritable renaissance arabe
moderne dont l’épicentre est principalement en égypte. elle investit
à la fois les domaines politique, culturel, et religieux. des imprimeries
fleurissent dans le moyen-orient tandis que bonaparte organise les expéditions
de savants en égypte entre 1798 et 1801. or ces expéditions françaises ont
une importante influence : les ottomans prennent conscience du retard
technologique accumulé par rapport à l’occident.
muhammed ali, un égyptien modernisateur, arrive au pouvoir dans ce climat
de complexe. il envoie alors des émissaires en france pour en ramener cette modernité
en égypte et dans les pays arabes. muhammed ali fonde l’imprimerie
de boulak, au caire et diffuse à partir de 1821, livres et journaux y voyant un efficace
moyen de moderniser la société égyptienne. la nahda, marque ainsi au 19e
siècle les débuts d’une relative autonomie typographique dans le monde arabe.
la typographie ottomane
dans les décénies suivantes, les ottomans, avec l’ambition d’imiter l’élégance de l’écriture manuscrite arabe ont
compris la nature synthétique de ce système. en considérant le mot ou la phrase comme un ensemble de formes intéractives, et non pas comme
une succession d’unités isolées, ils parviennent à des solutions satisfaisha ntes. ils élaborent un système composé de syntagmes qui permet
de modeler n’importe quelle séquence de lettres par fragments, par archigraphèmes. ce système consiste en une collection de segments calligraphiques
allant d’un morceau de lettre à plus d’une lettre qu’il est possible d’agencer pour former un mot, une phrase. les points
et les voyelles étaient ajoutés séparement. pour ces typographes, la division de l’écriture en segments était la bases de la composition typographique
arabe. pour faire face aux défis et obstacles typographiques (ligne de base à plusieurs niveaux, lettres contextuelles), leurs caractères pouvaient constituer
un millier de caractères mobiles.
en conséquence, ils eurent besoin d’une virtuosité technique et d’une connaissance minutieuse des antécédants calligraphique de
l’écriture arabe. dans le dernier quart du 19e siècle et la première moitié du 20e cette conception de la typographie
a produit des résultats impressionnants. le naskh est alors le standard typographique.
ohanis mühendis oglu.
caractère taliq, 1865
ohanis mühendis oglu
(1810—1891), typographe arménien et citoyen ottoman, crée en 1870 à istanbul, après plusieurs tentatives, un caractère reproduisant
l’écriture arabe en prenant en compte les règles et tradition de la calligraphie. bien qu’ils ne se soient peut-être jamais
rencontré, mühendis oglu a basé son propre caractère sur l’écriture de mustafa izzet efendi
(1801—1876) important ministre, compositeur et calligraphe
de l’époque. il surmonte brillamment le défi de composer du texte dans les trois langues principales de l’empire ottoman :
l’arabe, le perse et le turc.
ce caractère dessiné d’après la calligraphie de efendi est un point de départ pour tous les caractères naskh ultérieurs.
caractère naskh, 1865
ohanis mühendis oglu.
il était graphiquement très sophistiqué, étant donné qu’il suivait toutes les règles allographiques du naskh dans la tradition des copistes
et des producteurs de livres professionnels. sa caractéristique essentielle est qu’il traite les signes annexes, points et voyelles, comme
des calques horizontaux séparés au-dessus et en dessous des lettres principales, elles-mêmes décomposées en archigraphèmes.
ces découvertes et progrès techniques marquent l’apogée de la typographie arabe. ce découpage par archigraphèmes aurait pu être le socle
graphique et structurel pour les développements futurs. cependant, avec ce relatif essor de la typographie, on commence à noter des divergences
entre l’écriture manuscrite et la composition au plomb du naskh. alors que la typographie est censée obéir aux règles de l’écriture
manuscrite, des éléments erronés apparaissent. il arrive que des typographes moins compétents et moins qualifiés reproduisent des erreurs, utilisent
des fontes incomplètes et affectent les mises en forme de textes. ainsi, aussitôt qu’une solution semble avoir été trouvée, le savoir-faire
qui garantie la qualité de ses applications n’est pas assuré. l’approche des typographes ottomans, par segments calligraphiques inspirera,
néanmoins les innovations les plus contemporaines.
quelques décennies plus tard, la révolution industrielle débute dans les pays occidentaux. de nombreux caractères de plombs arabes sont alors créés en
france, italie, angleterre, allemagne, hollande et espagne. sauf quelques-uns, ils ne dévient pas de leurs premiers essais. même si des efforts sont
faits pour faciliter la typographie arabe, un grand nombre de créations ne sont ni contemporaines, ni des innovations reflétant la culture arabo-musulmane.
on trouve par exemple des productions occidentales sans aucune relation avec le moindre style calligraphique arabe connu (celui de leipzig crée en 1867,
par exemple).
pendant plus de deux siècles, les autorités ottomanes se sont opposées à l’introduction à grande échelle de la composition et d’impression
de textes arabes. ceci dû aux nombreuses difficultés rencontrées : les ordres religieux, la révolte des calligraphes, l’incompatibilité formelle
et structurelle de l’écriture ou encore la basse qualité des caractères proposés par les occidentaux.
en effet, sauf quelques rares exceptions, la plupart des caractères arabes gravés au cours de cette période sont des imitations peu imaginatives
de la calligraphie. même si l’on peut considérer certaines de ces éditions comme des trésors de l’imprimerie, la qualité typographique
des textes composés en arabe reste largement inférieure à celle des textes composés en latin.
parmi ces exceptions, des ottomans font preuve d’ une approche judicieuse et d’une attitude assez pragmatique à l’égard
de la typographie arabe. leurs connaissances des règles calligraphiques leur permettent d’élaborer un vocabulaire formel et de ce fait un système
qui prend en compte la morphologie de l’écriture arabe fournissant des résultats plutôt satisfaisha nts.
ainsi jusqu’au 20e siècle, l’imprimerie arabe reste finalement confinée à un rôle marginal, nullement comparable à l’essor
fantastique de son homologue européenne et de bien moindre qualité que les compositions calligraphiques locales.
la culture arabe et avec elle son écriture sont longtemps restées imperméables aux découvertes technologiques concernant les objets imprimés, y préférant
les ouvrages calligraphiés. à plusieurs grands tournants de l’histoire de la typographie, l’alphabet arabe s’est en effet tenu à l’écart.
il s’est en effet retardé en restant un cas très particulier des développements typographiques et éditoriaux ce qui peut expliquer en partie
les difficultés rencontrées aujourd’hui.
4
concours de l’académie de langue arabe
le démembrement de l’empire ottoman après la première guerre mondiale ouvre la voie aux revendications nationalistes dans les pays arabes.
ces revendications ne cesseront de s’amplifier dans l’entre-deux-guerres pour aboutir, dans la seconde moitié du 20e siècle,
à l’indépendance de l’ensemble de ces pays.
pour la majorité d’entre eux, une politique active de promotion de la langue oficielle a été menée. ces institutions se proposent de veiller
à ce que les besoins en terminologie moderne soient sastisfaits dans le respect des règles établies par la tradition grammaticale. en 1936 et 1938,
l’« académie de langue arabe » du caire tient une conférence qui a pour objectif la standardisation des phonèmes non-arabes pour
faciliter la traduction de la langue et de l’écriture dans les langages occidentaux.
en 1945, la même institution lance un concours international afin de trouver une solution graphique pour réformer et simplifier l’arabe, le rendre
plus facile à lire, à écrire, à apprendre, et à enseigner. entre 1947 et 1959, de nombreuses propositions sont soumises à l’académie sans qu’aucune
ne soit adoptée. le comité décide alors de limiter la réforme à trois règles typographiques: la standardisation des lettres arabes représentant des sons non-arabes;
les signes indiquant la vocalisation des consonnes sont obligatoires pour les livres scolaires; et enfin l’académie réduit le jeu de caractères arabes pour
le limiter aux variations de formes élémentaires et quelques indispensables fusions de lettres.
la simplification de l’écriture arabe
l’arabe unifié,
arabe unifié, 1947
imaginé par nasri khatar (1911—1998), architecte, dessinateur de caractère, inventeur, peintre, sculpteur,
poète libanais, à été proposé en 1947. quatre principaux attributs caractérisent ce projet. toutes les lettres sont détachées les
unes des autres. chaque lettre possède une forme unique quelle que soit sa position dans le mot, tout en conservant la forme
des lettres arabes traditionnelle. les contreformes sont larges et ouvertes pour garantir une bonne lisibilité, particulièrement
en petits corps. les grandes boucles, les courtes ascendantes et descendantes réintègrent les lettres arabes dans des repères
de construction typographique purement latins (hauteur de x, ascendante, et descendante).
l’arabe latinisé
arabe latinisé, 1952
de yahya bouteméne, proposé en 1952 consiste à construire les lettres arabes à partir des lettres latines.
il implique aussi de construire les lettres détachées à l’intérieur de repères typographiques latins. cette proposition rompant
totalement avec l’écriture arabe et son patrimoine n’est pas envisageable.
ali al gharim suggère en 1952 à l’académie de remplacer les signes de vocalisation par des lettres supplémentaires insérées entre
les consonnes.
le yakout
yakout, 1956
par nahib jaroudi est produit par linotype en 1956. il est conçu de la même manière que les caractères pour machine à écrire conçus
à l’époque. réduire la gamme de formes de base pour représenter l’ensemble du jeu de caractères arabe. ce projet aboutit à ce
qu’on appelle l’arabe simplifié. des quatre formes possible d’une lettre, n’en sont conservées que deux. ainsi
les formes initiale et médiale d’une part, et les formes finale et isolée d’autre part, sont confondues en une seule forme
(sauf quelques lettres comme le ain qui possède quatre formes différentes dans chacune des positions). cette simplification permet
de réduire sensiblement le nombre de caractères nécessaires et de rendre compatible l’arabe avec les technologies de l’époque.
ce caractère est initialement conçu pour la composition en caractères de plomb, et plus particulièrement pour la composition typographique
de journaux. par ce biais, linotype a eu un impact considérable sur la typographie arabe que nous évoquerons un peu plus tard.
l’asv-codar
l’asv-codar, 1958.
(arabe standart voyellé-codage arabe) du marocain lakhdar ghazal est proposé en 1958 et connaît le même sort que les autres
projets. néanmoins, c’est le seul qui a été développé et produit du fait que le gouvernement marocain l’ait adopté, encourageant
l’implantation d’un institut d’études et de recherche pour
l’arabisation en 1960. l’objectif de ce caractère était de rendre l’arabe utilisable sur les moyens de production modernes.
il est aujourd’hui, de tous les caractères soumis à l’academie, le seul à être digitalisé dans sa version originale.
ce qui a contribué et rendu possible le développement de l’ asv-codar est le fait que contrairement à toutes les autres propositions, celle
là résolvait le problème de simplifier l’écriture sans forcément tendre vers une latinisation de l’arabe. de ce point de vue,
ce projet était une réussite.
l’asv-codar est caractérisé par une seule forme par lettre, indépendante de son positionnement, mais à laquelle peut s’ajouter
un glyphe de connexion ou de terminaison selon sa position dans le mot (trois formes de terminaisons permettent d’avoir une forme finale
de chacune des lettres). les signes de vocalisation sont placés sur les glyphes de connexions, entre les lettres et pas au-dessus ou en dessous.
cela a été conçu de sorte à éviter que chaque lettre soit combinée avec chaque signe de vocalisation différent, réduisant ainsi considérablement
le nombre de formes nécessaires.
le caractère libanais
caractère libanais, 1962.
de saïd akl est créé dans les années 60.
saïd akl n’est pas dessinateur de caractère mais linguiste, poète et philosophe. il considère que les libanais sont les aïeux des phéniciens
et que de ce fait, ils devraient à raison utiliser l’alphabet latin descendant des phéniciens et non pas l’écriture arabe
si problématique et si complexe. à partir de cette théorie relativement contestable à notre avis, et de la police de caractère times,
saïd akl, construit son caractère. il tente ainsi de rapprocher le liban du monde occidental.
l’arabe simplifié
arabe simplifié, 1993.
de mourad boutros, créé en 1993, et installé au royaume-uni est un projet qui se décompose en deux phases prenant
en compte un temps d’adaptation. il imagine d’embarquer l’écriture arabe dans le processus de détachement de ses lettres,
qui s’est accompli des centaines d’années plus tôt dans l’écriture latine. mourad boutros dessine un caractère basé sur
la structure du naskh. dans sa première version, l’arabe simplifié doit être utilisé dans les pays arabes pendant plusieurs années
jusqu’à ce que la population se familiarise avec cet outil. l’alphabet comprend une seule forme par lettre, lettres qui sont jointes
sur leur ligne de base moyennant un interlettrage très sérré. dans un second temps
, la population pourra commencer à utiliser la deuxième version où les lettres sont complètement détachées par un interlettrage plus ouvert.
il est intéressant dans la proposition de mourad boutros de remarquer qu’il prend en compte un temps d’adaptation et de maturation
pour introduire un nouveau système en société, considérant ainsi à sa juste valeur la dimension sociale qu’a un tel projet. en effet
beaucoup des réponses antérieures trouvent des issues graphiques plus ou moins raisonnables mais ne considèrent pas le processus de gestation et
d’assimilation dont la population a besoin.
le mutamathil
mutamathil, 1999.
de saad abulhab, installé au usa, en 1999, est le dernier projet en date qui a tenté de détacher les lettres arabes. cependant,
il introduit une nouvelle suggestion selon laquelle l’arabe pourrait devenir bi-directionnel. par conséquent, il continuerait de
s’écrire de droite à gauche mais pourrait à l’occasion s’écrire de gauche à droite comme le latin. saad abulhab voudrait
ainsi résoudre non seulement le problème des connections et mutations des lettres selon leur position, mais aussi le souci qu’impliquent
les logiciels spéciaux pour le traitement de textes en arabe. la question reste de savoir si, à un tel stade de la simplification,
les arabes accepteraient une telle écriture et s’ils seraient capables de lire ce caractère.
les lettres bi-directionnelles du mutamathil sont symétriques et géométriques, ce qui les rend totalement étrangères à l’écriture
arabe comme on la connaît aujourd’hui. bien qu’il ait soulevé des questions et apporté des éléments de réponse, le caractère
de saad abulhab rompt totalement avec la valeur historique et esthétique de l’écriture arabe.
à la sortie de la seconde guerre mondiale, les pays arabes colonisés commencent à acquérir leur indépendance et une relative autonomie en terme
d’infrastructure. le concours lancé par l’académie reflète le début du développement des pays arabes aux niveaux économique,
social, culturel, scolaire, et technologique ayant logiquement envie d’une écriture arabe standardisée qui rentre dans les exigences
techniques contemporaines.
les projets proposés visant à simplifier l’écriture arabe peuvent être répartis en trois groupes. d’abord, les projets qui rompent
avec toutes les caractéristiques de l’écriture arabe en utilisant les lettres latines. ensuite, ceux qui ajoutent des lettres supplémentaires
à la place des signes de vocalisation. et enfin, ceux qui proposent de détacher les lettres pour qu’elles n’aient
qu’une seule forme possible.
l’influence de ces institutions sur l’évolution de la langue reste négligeable comme le montre cette exemple significatif.
tous ces projets visant à simplifier l’arabe, conduits sur presque un siècle n’ont mené à aucune solution satisfaisha nte.
tous, certains avec plus d’audace que d’autres, présentent des idées intéressantes du point de vue graphique et fonctionnel.
mais peu d’entre eux semblent considérer à sa juste valeur l’héritage incroyablement riche de l’écriture arabe et
ses spécificité formelles. dans un tel projet, il est fondamental de ne pas considérer l’écriture seulement comme un objet de design,
mais aussi comme un outil social, une image de la langue, un patrimoine culturel, et une identité historique.
5
conclusion
la corrélation entre l’écriture et nos sociétés est étroite,
au point qu’un changement dans l’écriture marque souvent une grande charnière historique. la pratique et le statut
de l’écriture en arabe étant absolument singulièrs,
elle a parfois été confrontée à de sérieux dilemmes.
des dilemmes qui semblent persister aujourd’hui du fait
du contraste accentué entre le lourd poids d’une tradition scripturale exceptionnelle et les envies de formes
et d’interprétations contemporaines.
dès sa naissance, l’arabe a joui d’une quasi-exclusivité graphique et culturelle. langue de la poésie choisie par allah pour s’exprimer,
elle occupe une place d’honneur dans la civilisation arabe. omniprésente et privilégiée, sa condition lui a permis de prendre des formes extrêmement nombreuses.
de ses formes primitives à la typographie ottomane, de la calligraphie flamboyante aux tentatives de simplification du 20e siècle, la qualité des alphabets est variable
mais l’écriture arabe toute entière peut se vanter d’une richesse et d’une diversité créative sans précédent.
l’alphabet arabe a suivi une trajectoire assez particulière depuis sa création. ses signes ont parfois été brusquement altérés et d’autres fois, les usages les ont
lentement érodés.
théoriquement, les évolutions d’une écriture dépendent
de certains facteurs qui semblent établis et contrôlables.
à plusieurs reprises, les autorités qualifiées auraient voulu faire de l’arabe une écriture homogène et absolue.
en pratique, il s’avère plus compliqué d’agir globalement
sur les formes que prend une écriture puisqu’elle est soumise à des usages quotidiens et à des particularités locales sur lesquels il est difficile d’avoir un contrôle,
le recul et la clairvoyance nécessaires.
du calame à l’ère digitale, structure et technologie
la forme et la nature de l’écriture arabe ont des propriétés tout à fait étrangères à l’écriture latine. du fait
de ses origines et de son histoire, les fonctions, les pratiques et les formes de l’écriture n’obéissent pas aux mêmes
conventions et définitions. elle se glisse à l’intérieur et entre les disciplines par des variations tout en nuances. les systèmes
et règles typographiques ont aussi des attributs formels et fonctionnels très riches. en grande partie nourrie de la tradition calligraphique,
la structure de l’alphabet entretient des rapports internes très perfectionnés. fonctionnalité pragmatique, harmonie formelle,
et cohérence linguistique s’agencent dans un équilibre expressif unique. l’anatomie des lettres, et leurs dessins, entre
la précision géometrique et les vibrations sensibles, transcrivent le plus fidèlement possible la structure de la langue, le souffle
et les réspirations. ces caractéristiques singulières l’ont poussé à relever des défis d’ordres technique et technologique.
depuis les premières machines linotype jusqu’à l’ère digitale, des innovations parfois déstinées à la typographie en générale
et d’autres fois spécialement développées pour l’arabe révèlent les préoccupations contemporaines que motive cette écriture.
principal véhicule de la mondialisation en terme d’échanges de données textuelles, l’informatique a redéfini les usages,
la terminologie, et les ambitions des techniques et outils typographiques.
l’élaboration de normes informatiques communes à tous les alphabets a ainsi ouvert de grandes perspectives pour les designers,
les dessinateurs de caractères, les développeurs de logiciels et de systèmes d’exploitation et les a invité à considérer
plus consciencieusement les différents systèmes d’écriture, dont l’arabe.
1
écriture usuelle, calligraphie et typographie les lettres à l’intersection des disciplines
l’étude du tracé des lettres demeure une excellente
voir indispensable base pour le dessin de caractère et particulièrement en arabe.
la pratique de la calligraphie familiarise
calligraphie d’hassan massoudy
avec les formes crées par le calame et permet en peu de temps de reconnaître instinctivement une forme acceptable ou d’en rejeter une incorrecte. le squelette, les formes,
les proportions, les graisses, la lisibilité, et les origines formelles des lettres sont intrinsèques aux caractéristiques du calame.
quand en latin la distinction entre les disciplines est franche et perceptible, en arabe, l’écriture usuelle, la calligraphie et la typographie semblent bien moins contrastées.
elles n’ont pas les mêmes fonctions, entretiennent un rapport différent mais sont visuellement très proches et indiscociables du geste calligraphique. quelles sont les nuances
qui distinguent ces pratiques de l’écriture ? quelle place occupe la calligraphie dans la conception d’un caractère typographique arabe ? dans un système où
l’on a tendance à accorder plus d’importance à l’aspect formelle du mot plus qu’à la lettre, faut-il encore se focaliser uniquement sur le dessin celle-ci ?
écriture et image de l’écriture
une seule forme et technique peut englober les objets et l’architecture quelle que soit leur fonction, comme appartenant à l’islam,
l’écriture. elle apparait partout, sa qualité varie énormément, sa légitimité n’est pas toujours assurée, mais sa présence garantit
l’islamicité de l’objet qui lui sert de support (murs, bronze, céramique, tissus). parfois, l’écriture y est parfaitement lisible
et parfois, on y déchiffre seulement des fragments de mots ou des imitations de lettres. dans la pratique de la calligraphie arabe,
« l’ardeur de l’esthétisme peut aller jusqu’à écrire du non-sens, des mots qui n’existent pas,
mais dont la forme écrite est belle à regarder ».
¹
oleg grabar, penser l’art islamique, 1996
l’écriture arabe joue deux rôles qui peuvent parfois se combiner : la fonction nette et précise de transmettre un texte,
et la fonction d’être regardée. on comprend ainsi pourquoi l’arabe a conservé des qualités plastiques et des sophistications formelles.
nous allons aussi observer combien l’écriture dans sa construction grammaticale comme dans la forme de ses lettres est liée à la langue.
l’alphabet arabe, outre qu’il soit soumis au carcan de la géométrie a en effet un puissant impact émotionnel. en calligraphie arabe,
le mouvement du calame est guidé par l’oral et veut par sa sophistication être aussi sensible et sensitif que l’est sa forme parlée.
pour pallier à l’aniconisme de l’islam,
l’écriture se veut aussi imagée et éloquente que possible
calligrame en forme de lion,
ahmad hilmî, 1913
dans sa représentation de la réalité.
calligraphie, typographie et écriture usuelle
il y a dans l’utilisation du terme calligraphie, une méprise récurrente. en occident, la calligraphie et le dessin de caractères sont
deux activités bien distinctes et reconnaissables visuellement l’une de l’autre. les formes calligraphiques sont crées dans
la structure d’une composition et sans les impératifs liés à l’élaboration d’un alphabet. toutes les compositions calligraphiques
ont leur propre logique, liée à leur contenu verbal, ce qui en fait l’unicité.
après différents processus de simplification de l’alphabet romain, les typographies égyptiennes et grotesque—caractères usuels contemporains—emploient
davantage des proportions qui abandonnent les bases calligraphiques pour une précision géométrique et qui viennent donc clairement rompre avec
la forme manuscrite. ainsi, dans le système latin, un caractère manuscrit apporte une connotation historique, personnelle, vivante ou calligraphique à un texte.
en arabe, la nuance entre ces deux disciplines diffère totalement.
longtemps, l’imprimerie n’a pas prit le pas sur le calame et aucun système d’écriture mécanique ne s’est détaché de
l’écriture manuscrite. l’écriture arabe usuelle et la typographie sont donc restés profondément marqués par la forme manuscrite et calligraphique.
il est donc tout à fait naturel de la trouver dans une majeure partie des publications d’aujourd’hui.
« la pratique et la sensibilité à la calligraphie sont des enseignements utiles, mais on doit aussi se familiariser à l’écriture courante
avec un outil classique. on peut néanmoins se baser sur les formes calligraphiques sans rencontrer de difficultés car la plupart des formes retrouvées
dans l’écriture usuelle sont directement liées à leur versions calligraphique ».
¹
t. f. mitchell, writing arabic, 1953
on ne peut néanmoins pas qualifier un caractère arabe de calligraphique
simplement parce-qu’il a l’air d’être tracé au calame ou ornementé.
« on parle facilement de calligraphie, c’est-à-dire de belle écriture, sans toujours se demander si
l’écriture est belle par définition ou s’il y a une hiérarchie entre différents types d’écriture. on se trompe en appelant calligraphie
ce dont le but est de décorer le texte est de lui procurer une qualité esthétique. ce n’est pas la forme des lettres mais leur usage dans
des cas déterminés qui leur attribue le terme calligraphie ou non »
²
oleg grabar, penser l'art islamique, 1996
en arabe, c’est donc par la fonction qu’il a au sein d’un texte et non pas par les qualités émotionnelles d’un caractère
que l’on peut déterminer s’il est calligraphique ou non. les caractères typographiques proprement dits sont dessinés pour une gamme
d’usages large dont une lecture continue, alors que l’application de caractères calligraphiques reste spécifique.
anatomie des lettres arabes, l’héritage des proportions calligraphiques
le calame est à l’origine de la structure lisse et fluide de l’écriture manuscrite.
le système du point – mesure
appliqué à différents styles
les formes et les proportions changent
suivant le style calligraphique employé.
avec une encre noir ou marron foncé, le côté large
d’un roseau aiguisé est constamment maintenu à un angle d’environ 60 degrés. quand le calligraphe veut produire une courbe ou une ligne
droite particulière, il peut orienter le calame dans la direction appropriée. le travail calligraphique consiste à dessiner de
« belles lettres » mais aussi et surtout de belles lettres jointes. en conséquence, la pratique met l’accent
sur le mot et la combinaison harmonieuse des lettres entre elles. les règles utilisées en dessin de caractère, définissant les proportions des signes
sont en grande partie issues de la calligraphie. les écoles de calligraphie traditionelle basent leur enseignement sur trois système d’ibn moqla,
le vizir et calligraphe du 10e siècle qui a réformé l’écriture cursive :
nizam al-dairah, nizam al-nuqat, et nizam al-tashabuh.
systèmes calligraphiques d'ibn moqla
nizam al-dairah (système du cercle), base toutes les lettres sur un cercle dont le diamètre détermine la hauteur de la lettre alif. le thuluth, par exemple
a l’alif le plus long, tandis que le ruq’a ou le nastaliq ont le plus court.
nizam al-nuqat (système du point) base la proportions des lettres sur le « point-mesure ». la taille du point étant,
définie par la largeur de la pointe du calame, elle-même déterminée par le style calligraphique employé.
le troisième système, nizam al-tashabuh (système des similarités) est basé sur l’apprentissage des segments calligraphiques identiques que
l’on peut retrouver dans plusieurs lettres. par exemple, le sîn final et le sad final partagent la même forme de terminaison.
typologie des signes de l’alphabet
ibn moqla pose dans le khatt al-mansub, un principes important: « la forme des lettres arabes repose sur un des principes universel
de la graphie, à savoir le partage entre ligne droites et courbes dont la combinaison à engendré toutes les lettres de l’alphabet ».
nous pouvons ainsi répertorier
les mouvements calligraphiques
mouvements calligraphiques
composants les lettres : dressé, incliné, arqué, plat, étalé, et établire une typologie
des signes de l’alphabet: les lettres droites, qui s’écrivent au dessus de la ligne de base, les lettres courbes, les lettres à hauteur fixe
et les lettres à ligatures séparées.
valeur symbolique et rythmique de l’alif
si la réforme d’ibn moqla est basé sur
l’alif,
c’est parce-que c’est la lettre la plus fréquente,
la plus constante formellement et la seule en position verticale. elle est donc la plus propice à engendrer un rythme. comme en morse,
les lettres les plus fréquentes sont les signes les plus courts. l’alif est la lettre la plus importante de l’alphabet.
elle a une fonction visuelle et graphique, mais elle remplie aussi plusieurs fonctions gramaticales et est pourvue d’une puissante
valeur symbolique. en effet sa position verticale illustre la spiritualité, l’élévation de l’ésprit, ou encore l’homme
se tenant debout…
phonologie et architecture de l’écriture
« la typographie doit pouvoir faire, avec le moyen de la vue, ce que la voix et le geste font pour l’expression de la pensée ».
¹
el lissitzky, 1925
par la souplesse de ses lignes, par le rythme des blancs, le naskh et l’écriture arabe en général sont le prolongement idéal
d’une culture orale. de même que l’auditeur perçoit les vibrations émotives de l’orateur, le lecteur est sensible aux
infimes pulsions sensitives de la main du calligraphe: le souffle et la respiration y sont perceptibles. il est donc essentiel de mettre
en avant les rapports qu’entretiennent
la structure orale de la langue et la graphie arabe.
phonèmes et graphèmes.
« c’est par le truchement de ces lettres amphibies, […] que la langue se fraie un chemin entre l’oralité évanescente et l’écriture éternelle ».
²
vlad atanasiu, de la fréquence des lettres et de son influence en calligraphie arabe, 1999
allophones et allographes
la phonétique permet donc d’étudier et d’analyser un des aspects importants de l’écriture arabe. on peut facilement
établir une analogie entre les phonèmes et leur représentation, les graphèmes. le son d’un phonème a beaucoup de subtiles variations
contextuelles, causées par la modulation des sonorités qui l’entourent et qui n’affectent pas le sens linguistique : ces variations contextuelles sont
les allophones.
de la même manière qu’un phonème change de sonorité selon son environnement, un graphème subit des modifications selon sa position et selon
les autres graphèmes qui l’encadrent : les allographes.
allophones et allographes
archiphonèmes et archigraphèmes
dans une grande partie des langues, il existe
une unité phonologique encore plus subtile.
archiphonèmes et archigraphèmes
dans certaines situations, il peut arriver que deux ou plusieurs phonèmes produisent la même sonorité. la différence sonore entre ces phonèmes disparaît
et en résulte un nouvelle division phonétique: l’archiphonème. autrement dit, l’archiphonème est un concept phonologique qui consiste
dans le résultat des caractèristiques partagées par les phonèmes, auquelles sont soustraites les caractéristiques qui les différencient.
par analogie,
l’archigraphème
la même forme peut exprimer plusieurs
lettres différentes. en conséquence,
les mots peuvent seulement être lus
dans leur contexte. dans le cas présent,
les points diacritiques permetttent
de différencier un mot et son contraire.
est une unité graphique qui consiste dans le résultat des caractéristiques partagées par deux ou plusieurs graphèmes auquelles
sont soustraites les caractéristiques qui les différencient. cette unité qui en arabe prend la forme de segment calligraphiques
constitue la base de construction de lettres, des mots, des phrases…
conclusion
la typographie, la calligraphie et l’écriture usuelle n’ont donc pas les mêmes rapports et conotations que dans leur équivalent latin. les mêmes formes font appel
à des fonctions différentes mais l’impact sensible des lettres arabes demeure très puissant dans chacune des disciplines.
mais en arabe, certaines variations calligraphiques possibles se sont standardisée et ont créé un éventail de variantes formelles possibles que l’écriture usuelle a finit par intégrer.
partagés entre rigueur géométrique, variations calligraphiques et analogie formelle de la langue, ces principes, comme toute règle en typographie n’en laisse pas moins de place a
ux interprétations créatives et novatrices. l’objectif formel principal est d’instituer une forme standard, fondant rythme, harmonie et équilibre dans une page.
ces règles sont encore applicables aujourd’hui, dix siècles plus tard, et constituent un solide socle pour les créations contemporaines. on peut donner ainsi à chaque mot une infinité
de formes quasiment logotypiques, composer chaque phrase dans de nombreuses configurations différentes, ou donner à un texte une multitude de couleurs, ou d’équilibres différents.
la typographie arabe pourrait ainsi s’enrichir d’un impact émotionnel aussi fort que sa calligraphie.
2
structure de l’alphabet une écriture contextuelle
l’ écriture arabe est alphabétique. le sens de l’écriture se fait de droite à gauche.
l’alphabet arabe
s’est développé en tendant vers un idéal qui consisterait en une douzaine de lettres,
qui représenteraient un seul et unique son chacune. pour les utilisations bureautique actuelle,
il existe vingt-huit lettres basiques, huit d’entre elles se différencient des autres par
l’emplacement des points diacritiques, et six lettres optionnelles pour représenter les voyelles.
mais écrire l’arabe implique un peu plus que d’aligner des lettres. une lettre n’est
pas seulement une forme, mais aussi un pouvoir phonétique et une fonction grammaticale. chaque lettre
entretient une relation particulière avec chacune des autres: le système a évolué en une écriture cursive,
avec des lettres liées entre elles, elle développe une grammaire formelle et un sytème complexe
et élaboré d’assimiliations et de dissimilations entre les lettres adjacentes. l’organisation
de ce système alphabétique, basé sur les similarités graphiques, repose sur des formes, des rapports
et des règles bien particulières. quelles spécificités typographiques met en œuvre la manipulation d’un texte arabe ?
le sens de lecture de droite à gauche
tout d’abord, l’arabe s’écrit de droite à gauche, comme la plupart
des langues sémitiques consonantiques. cette caractéristique découle, entre autre,
du fait qu’en phénicien, les signes étaient gravés, il était donc plus pratique
d’écrire dans ce sens. il semble que l’arabe, comme d’autres langues sémitiques,
n’ait pas changé de sens d’écriture en passant des inscriptions
lapidaires aux inscriptions manuscrites.
les liaisons entre les lettres,
caractéristiques à plusieurs niveaux
pour éviter de relever l’outil traceur de la surface du support, l’homme par économie du geste préfère une écriture cursive
à une écriture segmentée. la nature de l’écriture manuscrite crée ainsi des connexions spontanées entre les lettres. mais cette
spécifité de liaison n’est pas généralisable, toutes les lettres arabes ne se lient pas. un espace est utilisé en arabe pour
distinguer l’amorce identique de certaines lettres par exemple, l’ascendante du lâm et celle de l’alif.
au contraire de ces précurseurs syriaque et araméen, l’écriture arabe a manifesté
deux types de connexion de lettres: dans le sens de l’écriture, mais aussi en biais et verticalement.
liaison verticale et horizontale
entre deux caractères.
cette singularité de l’écriture arabe a émergé très tôt et une grande partie des styles d’écriture,
de l’écriture la plus austère au style le plus capricieux et cursif partagent cette caractéristique.
des lettres peuvent ainsi s’empiler les unes sur les autres
ligne de base multiple
(4 lettres hâ)
en
s’alignant sur des lignes de base multiples.
ligne de base oblique
à différents degrés.
la ligne de base sur laquelle sont inscrit les mots est légèrement oblique. chacun des mots suit une légère pente
de 2 à 5 degrés mais sont placés horizontalement les uns par rapport aux autres. pour des raisons techniques,
cette caractéristique n’est que rarement respectée dans les versions typographiques
de caractères arabes. dans l’écriture latine, les ligatures sont un moyen esthétique d’améliorer
le rendu de quelques combinaisons de lettres génantes. les combinaisons de lettres sont inclues dans les alpabets,
et utilisées quand un système de rendu peut effectuer le remplacement. en arabe, le fait de lier les lettres entre
elles n’est pas une exception mais une règle. le terme de ligature, n’est donc pas vraiment approprié.
cette confusion sémentique peut amener à mimer les connexions entre les lettres avec des ligatures. chose que font
la plupart des formats de polices arabes aujourd’hui.
les variantes contextuelles :
les allographes
la plupart des lettres peuvent être écrites sous différentes formes selon leur position dans le mot et selon les lettres qui l’encadre. cette propriété de l’écriture
est directement issue des principes phonétiques. les allographes sont toutes les formes que peut prendre une même lettre dans différents contextes. pour une lettre
on peut compter quatre premières formes contextuelles ou
allographes basiques
. la forme isolée quand la lettre est sortie de son contexte. la forme initiale, quand elle débute un mot, la forme finale, quand elle le termine
et la forme médiale quand elle est au milieu. cependant, il ne faut pas imaginer qu’une lettre n’a qu’une seule forme initiale.
on pourrait dire qu’elle a un profil caractéristique mais qui peut varier d’un contexte à un autre. dans le mashq traditionnel,
un exercice d’écriture, une lettre est montrée au sein d’un syntagme, une succesion de lettres liées entre elles afin d’éviter de montrer une forme contextuelle seule.
assimilation et dissimilation
les lettres arabes s’assimilent les unes avec les autres. elles sont hautement adaptables,
ce qui rend impraticable la description de chaque variante individuellement. toutes les lettres
sont sujettes aux règles formelles et complexes qui s’équilibre entre
l’assimilation de lettres distinctes et la dissimilation de certaines autres.
différents degrés d’assimilation entre
les lettres du mot muhammad
dans l’approche la plus simple de l’écriture arabe, toute l’attention se porte
sur l’assimilation des lettres, et ceci, pour la formation contextuelle. les quatres positions
(initiale, médiale, finale et isolée) sont présentées comme des formes élémentaires. cependant,
le resultat authentique est aussi déterminé par la dissimilation. par exemple, la séquence bâ—sîn
peut très facilement être mal lue, comme la lettre sîn utilise trois traits similaires à la lettre bâ.
dans un cas comme celui-ci, la lettre bâ subit une dissimilation, celui qui écrit lève le trait
plus haut quand elle se trouve avant le sîn ou encore une connexion allongé horizontal ou kashida
après le sîn. cette caractéristique, aide essentielle à la lecture et à la mise en forme, est oubliée
dans tous les systèmes typographiques d’aujourd’hui.
des connexions inconstantes
des points de vue calligraphique et orthographique, il y a une division alphabétique importante en arabe, entre
lettres séparées et lettes inséparables.
les lettres inséparables sont systématiquement connectées à la suivante et à la précédente. les lettres séparées sont jointes à la lettre inséparable précédente mais ne peuvent être jointes à la suivante.
pour chaque lettre inséparable, il existe les quatre formes de base mentionnées plus haut. quand une lettre inséparable finit un mot et
est précédée d’une lettre séparée, on utilise sa forme isolée et non pas sa forme finale. de même, une lettre séparée en milieu
de mot utilisera sa forme finale si elle est précédée d’une lettre inséparable, ou sa forme isolée si elle est précédée
d’une autre lettre séparée. ainsi, une lettre séparée utilisera sa forme finale quand elle est médiale et sa forme isolée quand elle est initiale.
notation des voyelles
les marques des voyelles sont des graphèmes optionnels. en théorie, un mot est déjà reconnaissable grâce à sa racine consonantique. l’introduction des voyelles
dans la forme écrite est relativement récente, mais on peut déjà en observer dans les manuscrits du 7e siècle. l’ajout des voyelles,
ou l’absence de voyelle, ne se note pas comme des lettres mais avec
des signes diacritiques.
à l’origine, indiquées par des points entourant les lettres de base, les voyelles ont ensuite été marquées par de courts traits diagonales
et des versions miniatures de lettres placés autour du lettrage. les textes sont encore aujourd’hui très rarement voyellés.
il se doit en arabe de reconnaître trois signes de vocalisation différents: le fathah [a] : un court trait diagonal au-dessus
de la consonne, le kasrah [i] : un court trait diagonal en-dessous de la consonne et le dammah [u] : un petit signe wâw
au-dessus de la consonne.
il est aussi nécessaire de distinguer les voyelles longues: fathah long [aa] : le [a] est prolongé par un alif ou par un yaa. pour le
kasrah long [ii] : le [i] est prolongé par un signe yaa, et pour le dammah long [uu] : le [u] est prolongé par un signe wâw.
le signe sukuun ou zéro voyelle consiste en un petit cercle parfois non fermé, qui peut être placé au dessus d’une consonne
n’ouvrant sur aucune syllabe. une lettre qui a un sukuun est dite au repos, autrement elle est mobile.
autres signes de vocalisation
les sons [un], [an], et [in] sont indiqués par le doublement du signe approprié. dans le cas du [an], un alif suit habituellement un double fathah.
quand une consonne doit être prolongée,
le signe tashdiid est placé au dessus de la consonne. si un signe de vocalisation ou le signe [in] suit une consonne prolongée, le diacritique est placé au-dessus
de la lettre mais sous le tashdiid. le signe maddah, à l’origine un alif horizontal mais qui ressemble aujourd’hui à la
« tilde » espagnole est placé au dessus de l’alif quand un son de glotte est suivi d’un long fathah.
les graphèmes partagés
un bon nombre des lettres présentent dans les débuts de l’alphabet arabe ont perdu leur originalité distinctive.
et comme résultat, seulement quatorze formes basiques ont demeuré pour représenter trente consonnes. avant l’utilisation
des points diacritiques,
pour les langues non – arabes,
de nombreuses lettres sont formées
en ajoutant un motif différent
de points diacritiques.
ces formes représentent bien plus d’une lettre et peuvent seulement être comprises dans leur contexte.
l’origine orale de la littérature arabe—la lecture était basé sur des familiarités avec le texte—a
synthétisé l’écriture et a constitué un facteur économique pour écrire.
la notation des points
pour distinguer les différentes consonnes notées par une même forme de base, on utilise
des points simples, doubles, ou triples,
la notation des points
placés sur ou sous la lettre. la lettre nue est la même mais les points additionnels indiquent une nouvelle lettres.
les points changent donc complètement la nature phonétique de la lettre. il peuvent être placés horizontalement ou verticalement
dans le cas d’une succession de deux lettres portants deux points et changer de taille selon le style calligraphique.
pour les tracer, le calame doit être placé à 45° et glissé diagonalement pour former un diamant. il est donc clair que la graisse
du point et donc de chaque forme dépend de la largeur à laquelle à été coupé le calame.
extension du système
aux autres dialectes arabes
afin de rendre l’utilisation de l’alphabet arabe possible et d’écrire les sons dans les autres langues utlilisant
l’alphabet arabe, des lettres additionnelles ont du être créées. l’alphabet arabe a été étendu en dérivant de nouvelles
lettres à partir de celles déjà existantes en utilisant plusieurs dispositifs. ceux-ci dérivent directement de l’aspect
traditionnel de l’écriture, autrement dit, au lieu d’inventer de nouvelles conventions ils ont étendu celles déjà
existantes pour servir de nouveaux buts.
beaucoup de nouvelles lettres sont formées par les langues non arabes en ajoutant un nouveaux motif de points à la forme
basique des lettres. par exemple, le bâ, un point en dessous est devenu le peh, trois points en dessous. en ourdou,
une forme miniature de la lettre arabe tâ est utilisé pour distinguer la lettre tteh.
introduire un espace au lieu d’une connexion, crée d’autres lettres dérivées. par exemple, le hâ original (connecté)
est devenu le nouveau œ (déconnecté). la forme basique des nouvelles lettres est la même que la forme arabe correspondante
mais sa grille d’assimilation dans un texte est différente.
les kashidas
en arabe,
les mots sont flexibles.
manuscrit du 17e siècle
mosleh eddine ellari.
ils peuvent être raccourcis par des fusions entre certaines lettres, et allongé par l’étirement de liaisons entre certaines autres.
dans le cas d’étirement on utilise des connexions curvilignes plus ou moins longues. ces connexions étirées sont appelées kashida, tamdidi,
madda, mat, tatwil ou italah. la kashida n’est pas un caractère en lui même, mais une élongation de certaines parties qui garde rigide
le corps de la lettre. les kashidas ne sont utilisées que dans certaines circonstances.
l’accentuation, pour marquer l’importance d’une partie de mot ou d’un mot entier, la kashida notera l’élongation
du son. la lisibilité, les kashidas peuvent augmenter la qualité d’une mise en page en marquant de façon plus appuyée la ligne de base,
et en dégageant les encombrements aux point de liaison entre deux lettres successives.
l’esthétique, pour embellir la forme d’un mot en recomposant les masses, les vides et l’équilibre entre eux. la justification,
pour justifier un texte, ces liaisons peuvent s’ajuster à divers degrés d’extension.
il existe des élongations obligatoires, des élongations permises et des élongations interdites et la qualité typographique d’un texte
est déterminé entre autres choses par un emploi correcte des kashidas. en terme de justification, la kashida est un effet typographique
qui s’applique différemment et selon certains paramètres dépendants du style, et de la position du mot dans la ligne et de la lettre dans le mot.
quelques règles typographiques
les règles typographiques arabes obéissent pour la plupart à
des traditions calligraphiques. en terme d’organisation hiérarchique,
six versions des mots « grand garçon »
utilisant des variations et procédés
stylistiques.
pour donner du relief à un texte, on fait apparaître des masses de différentes valeurs de gris. il est fréquent de varier la largeur de la pointe du calame
en fonction du style calligraphique employé, particulièrement quand plusieurs styles sont utilisés dans un même contexte. on peut conseiller la hiérarchie
suivante du calame le plus étroit, au calame le plus large, du texte basique au titrage: naskh, ruq’a, diwaani, nastaliq, thuluth.
la justification d’un texte en arabe à une logique bien particulière. il est par exemple interdit de couper un mot en fin de ligne. pour
l’alignement des lignes à gauche du paragraphe, on procédera en premier lieu à un équilibrage optimal de la longueur des lignes. en second
lieu, pour aligner les fins de mots, on disposera des kashidas en cas de ligne trop courte, et de fusions en cas de ligne trop longue.
conclusion
les conditions formelles de l’arabe sont gouvernés par une série de règles qui sont à la fois fonctionnelles—dans le sens
où elles sont facteurs de lisibilité—et élégantes car elles ont été fixées par un peuple dont la sensibilité graphique est parmi
les plus éminantes du monde.
l’écriture arabe est caractérisé par différentes strates horizontales organisée autour de l’écriture basique
dans un ordre stricte: points diacritiques, voyelles, tashdiid ou accentuation des consonnes. l’ensemble
des calques n’est que rarement représenté, excepté dans les textes coranniques, où il guide les prononciations,
les copies correctes et ainsi, previent les erreurs probables.
la grammaire formelle de l’arabe laisse une grande place à l’interprétation et à la création. un même groupe
de lettres, une même phrase ou un même texte peut prendre des formes largement différentes. l’intervention du typographe
s’en trouve profondément déterminante, peut-être parfois excessivement. dans tous les cas, l’écriture arabe
est un outil de communication extrêmement précis, pouvant rendre visible des détails de diction, des intonations,
et des résonances par de subtiles particularités graphiques. en résulte une écriture vivante et organique extrèmement
proche du souffle et de l’oralité qui lui a donné naissance.
non-latin type design at linotype
au 20e siècle et même dés la fin du 19e, les innovations, visant à améliorer le rendement, l’efficacité
et la qualité en matière de production typographique sont nombreuses et s’accélèrent. linotype qui lance sa première machine en 1884,
est un acteur important des développements typographiques qui ont lieu à cette époque. l’entreprise a joué de plus un rôle prépondérant
dans le domaine des caractères dits non-latins. fiona ross, consultante, auteur et spécialiste de la typographie et du dessin de caractères
non-latins tient une conférence en 2002 sur le sujet. elle y raconte les découvertes, les méthodes, et son expérience au sein de linotype.
walter tracy fonde au début des années 70 le département des développements typographiques de linotype à londres. dès sa création,
le département oriente son travail vers le développement de caractère non-latin, tout en réalisant les caractères qui ont rendus walter
tracy célèbre.
la typographie arabe est très vite un champs d’investigation. depuis un siècle, linotype à trouvé dans la distribution d’équipements,
et de de caractères arabes des préoccupations passionnantes mais aussi un intérêt commercial. en 1911, linotype envoi les 15 premières de ses machines
contenants des matrices pour caractères arabes au caire.
entre 1920 et 1930, une grande variété de systèmes d’écriture ont alors été transposés en caractères typographiques par linotype. ce sont,
selon fiona ross, les adaptations de l’arabe et de l’indien pour les technologies de la dernière moitié du 20e siècle,
qui caractérisent réellement le travail, la nature et les évolutions du département.
dans les années 50, le caractère arabe yakout est conçu. produit en 1956 par linotype pour la composition à chaud, il est particulièrement
adapté à la mise en page de journaux. ce caractère est représentatif de deux enjeux majeurs de l’époque, d’abord faire rentrer l’écriture
arabe dans les casses des machines linotype pour la mise en page de texte destiné aux imprimantes rotatives. et ensuite optimiser le temps de composition
du texte pour les quotidiens. beaucoup d’efforts sont faits pour réduire l’ensemble du jeu de caractères arabe sous la barre des 100.
le yakout est dessiné comme les caractères pour machine à écrire existants à l’époque, c’est-à-dire utilisant une gamme limitée de formes
pour représenter l’ensemble des lettres arabes. ce type de caractère est aujourd’hui connu sous le nom d’arabe simplifié. le nombre
de caractère est ensuite réduit à 56 ce qui rend le yakout compatible avec la linotype 90-channel. une brochure de l’époque déclare que grâce
à cette innovation, la production pourrait augmenter de 30%. le yakout, alors disponible en cinq corps différents allants de 7 à 18 points est rapidement
devenu un des caractères les plus populaires. du fait que
le yakout,
ou arabe simplifié ait été énormément utilisé, son dessin et sa structure particulière sont sans aucun doute rentrés dans
les réflexes de lecture des arabes. par ce genre d’initiative, on peut mesurer l’impact qu’ont les innovations typographiques
sur les représentations archétypales de l’écriture.
quand fiona ross rejoint l’équipe linotype en 1978, le département typographie convertissait des fontes existantes sur le modèle du yakout,
ou mettaient en application de nouveaux design comme le badr pour la photocomposition. selon timothy holloway, un dessinateur de caractère qui travaille
dans ce département depuis 18 mois, les caractères non-latins adaptés pour la photocomposition ne couvraient jamais l’ensemble des caractères
existants en plombs. autrement dit, les améliorations qualitatives des caractères non-latins étaient largement subordonnés à la compatibilité avec
les nouveaux formats et équipements typographiques.
les avancées technologiques au sein de linotype nécessitaient de longues périodes d’expérimentation. le premier logiciel pour la composition
de textes arabes est développé par linotype. il permettait de sélectionner des formes contextuelles pour l’arabe simplifié ou traditionnel,
d’agir sur le kerning, et de placer les signes diacritiques au-dessus ou en-dessous des lettres. pour cette plateforme, le caractère badr
fut spécialement dessiné.
le même logiciel est ensuite amélioré pour la composition sur une machine plus performante. il permet alors l’utilisation de variantes
contextuelles supplémentaires, la composition bi-directionnelle ne représente plus un problème, le kerning est amélioré, et par dessus tout,
une collection de caractères dessinée pour l’occasion, offre la possibilité de composer du texte dans des dialectes arabes supplémentaires
(farsi, jawi, pachtoune, et ourdou).
tony bisley prend la tête du département pour une courte période, et en 1979, ne restent que deux personnes. la structure du département est
alors revue et des diplômés en arts plastiques, des apprentis en dessin de caractère, des chercheurs et développeurs sont recrutés. l’équipe
s’agrandit à dix membres qui restèrent pour la plupart plus de 12 ans. cette stabilité et une organisation efficace de l’équipe permet
de gérer de larges projets et fournit l’opportunité d’augmenter les compétences, les responsabilités et les ambitions globales du département.
en peu de temps, les responsabilités des secteurs recherches et développements (trois personnes incluant fiona ross), augmentent considérablement.
leur rôle était de faire des recherches dans le domaine linguistique et d’imaginer de potentiels projets. le travail d’analyse et
de supervision était dirigé par fiona ross mais les tâches de dessin de lettre, d’organisation du clavier, d’encodage des caractères,
de spécifications de logiciels, d’adaptation pour l’écran, de positionnement des glyphes et de placement des accents étaient partagés
entre tous les membres de l’équipe.
l’équipe reçoit soutien et assistance de plusieurs façons. dans le cas de l’arabe, les contributions linguistiques et retours
de la clientèle venaient du linotype’s middle east liaison office, à beyrouth puis à chypre. ce bureau était composé de 13 agents arabophones
de différentes origines (moyen-orient et afrique), qui négociaient avec les clients et dirigeaient les utilisations des caractères.
un soutien technique était assuré par les fabricants stempel et mergenthaler linotype. et en plus de walter tracy et tim holloway intervenants
à titre de consultants en caractères arabes, de fertiles relations sont crées avec des calligraphes et designers arabes dont les travaux
typographiques étaient réadaptés pour rentrer dans les contraintes des machines linotype.
enfin, une aide essentielle était aussi fourni par une équipe de programmeurs de linotype particulièrement qualifiés pour les caractères non-latin.
les technologies typographiques se développent et les exigences arabes en terme d’équipement sont vivement discutées et intégrées aux ambitions
du programme de linotype .
le yakout fut l’un des premiers caractères arabe à être digitalisé. le design fut revu par le département typographique et de nouveau signes furent introduits.
il est sûrement un des caractères les plus fidèlement reproduits de ses premières versions jusqu’à l’ère digitale car il était quotidiennement utilisé
par la majorité des journaux qui ne voulaient pas changer d’aspect typographique.
selon un directeur de marketing de linotype, la part de marché de linotype dans le moyen-orient s’élevait à 95% des journaux arabes et 80% de la presse
commerciale arabe. le département s’agrandit et les logiciel devinrent plus performants de telle sorte qu’à la fin des années 1980, linotype entreprenait
le développement et la production de polices de caractère post-script.
en 1988, pour le latin comme pour les écritures arabe et indienne la production de caractères postscript débute. le clavier phonétique a permis aux écritures
non-latines de participer à la« desktop revolution ». l’apparition des logiciels de mise en page, de traitement de texte et
d’images permettant de composer visuellement le résultat voulu (wysiwyg, what you see is what you get) est un avantage énorme pour la composition de textes
employant des formes contextuelles et un grand nombre de ligatures. on peut alors composer des textes bi-directionels et mélanger plusieurs systèmes d’écriture
dans une même page.
dès lors, la collection de caractères non-latins était convertis au format postscript et les nouveaux moyens de production fournissaient une plus grande flexibilité
dans le dessin des caractères. le yakout et le linotype devanagari (indien) étaient parmi les caractères qui furent améliorés pour les nouveaux formats en incluant
des caractères supplémentaires, de meilleurs espacements, et connections entre les lettres. la production des caractères en interne, en facilitait et en accélérait
la création et le développement, si bien que de plus en plus de caractères viennent s’ajouter à la collection.
bien que le format postscript et l’outil informatique se développent, le département est dissout. en 1997, la collection de caractères non-latins, les dessins,
les nombreux ouvrages de références et archives sont envoyés à la bibliothèque linotype en allemagne.
au cours de son passage à linotype, où depuis 1983, fiona ross était responsable du dessin et du développement des caractères non-latins, le département a produit
une collection digitale de 31 caractères arabes, 26 indiens dans une grande variété de formats et de langues en plus desquels furent crées des caractères hébreux,
thaï, arménien, éthiopien. dans le but de concevoir des caractères non-latins de grande qualité, le département fonctionnait comme une équipe en étroite liaison
avec une assistance extérieure. pour optimiser la qualité d’utilisation de ces écritures, les caractères étaient pensés pour les équipements produits
en interne par linotype. bien que ces équipements ne soient plus valables aujourd’hui, la qualité des caractères linotype est encore appréciée et une nouvelle
vie leur est possible via le format opentype.
en raison de la nature multidisciplinaire de la conception et du développement de caractères non-latins, une approche en équipe, comme l’avait initié walter
tracy en 1974, garantit les meilleurs résultats. quoi qu’il en soit, au 20e siècle, les membres de cette équipe devraient être dans des régions
du monde très différentes et communiquer par internet, plutôt que d’envoyer un telex en inde ou un fax au liban.
3
la technologie au service de la typographie au delà des frontières
à l’échelle internationnale, il existe deux approches possibles du dessin de caractère: celle qui consiste à dessiner une police
de caractère pour son propre système d’écriture et son propre langage, et celle qui consiste à en dessiner un pour un système et
une langue étrangère. il en résulte ce qu’on peut appeler des migrations typographiques.
la seconde approche est présente dans le dessin de caractère contemporain mais, nous l’avons vu auparavant, n’est en rien un
phénomène nouveau. cette industrie typographique secondaire a, pendant plus de 550 ans, joué un rôle dans la logistique de l’édition,
la religion, la publicité, la politique, le commerce, et plus tard ce qu’on appelera la technologie de l’information. il
est cependant probable que le dessin de caractère et la typographie, soient aujourd’hui sur le chemin d’une renaissance
internationnale, en partie due au rôle et aux possibilités offertes par l’industrie informatique et la mondialisation.
le dessin de caractère et la typographie sont maintenant fortement impliqués dans l’internationalisation de l’informatique
et par conséquent dans les développements culturels et économiques qu’elle permet. la relation entre texte et typographie dans
le contexte international de développement de logiciels—en particulier, de l’unicode, encodage standard pour les caractères—est
un aspect technique mais nécessaire à la compréhension des technologies typographiques vouées à traverser les frontières.
technologie et typographie
il n’est pas essentiel de comprendre toutes les méthodes de codage pour apprécier un caractère, mais la typographie arabe soulève tout de même
des questions techniques.
dans un article récent pour microsoft typo-graphy website, john hudson définit la typographie comme « l’application
fonctionnelle de la beauté à l’articulation d’un texte ». dans ce sens, il semblerait absurde d’essayer
de séparer beauté et fonctionnalité en typographie, de même qu’il serait absurde de séparer l’art typographique, de sa technologie
de création et d’utilisation.
dans un essai sur le sujet, robin kinross, auteur de modern typography observe :
« the era of dtp (desktop publishing) ushers into typography the phenomenon that we now call globalization. perhaps it is one
of the rather early instances of this, just as printing it self was a forerunner of the processes of mass-production and industrialization.
there are elements in dtp itself that allowed and encouraged this. i mean : its essentially electronic nature, enabling the sharing
of data across devices, and thus across countries and continents. and the development of dtp must have been partly driven by processes
that were beginning to happen anyway—the rise of transnational corporations. »
au milieu du 15e siècle, les caractères de
gutenberg, ont cherché à imiter la texture de l’écriture manuscrite. mais la technologie utilisée a déplacé la discipline et la terminologie,
de l’écriture et la calligraphie vers la typographie. l’ère digitale a de la même façon révolutionné l’approche du dessin
de caractère, ses modes de création, ses usages et son vocabulaire. en comprenant cette technologie—et la direction qu’elle
est en train de prendre—on peut se rendre compte des possibilités techniques qu'elle offre.
l’unicode
l’unicode
jeu de caractères arabes avec leur unicode respectif
est une norme informatique qui vise à donner à tout caractère de n’importe quel système d’écriture,
un nom et un identifiant numérique. l’unicode, dont la première version remonte à 1991, a été développé
dans le but de saisir et manipuler du texte quelle que soit la plateforme ou le logiciel. cette norme code
les caractères c’est-à-dire qu’elle attribue un numéro à des symboles abstraits, selon un principe logique.
ce système remplace les pages de code nationales qui présentaient quelques problèmes. par exemple lorsqu’était
prévu un caractère de signe monétaire, un texte autorisant aux états-unis une dépense en dollars pouvait,
une fois transmis par courrier électronique au royaume-uni, autoriser la même dépense en livres sterling,
sans que le montant n’ait été modifié.
les polices de caractères unicode
l’unicode code le caractère, et non pas ses représentations graphiques: les glyphes. il n’y a donc pas de bijection (rapport un à un) entre la représentation
du caractère et son numéro, puisque toutes les variantes graphiques ne correspondent pas au même unicode. de plus, la sélection d’un glyphe par un code n’est
pas unique et est souvent contextuelle, et peut aussi afficher le même glyphe pour des codes différents. ainsi, le caractère é peut être écrit de deux manières: soit
en utilisant directement le numéro correspondant au é, soit en faisha nt suivre le numéro du e par celui du ´ sans chasse. quelque soit l’option choisie, le même
glyphe sera affiché. on dira du premier caractère qu’il est précomposé, du second que c’est une composition (deux caractères forment un seul glyphe composé des deux).
les caractères arabes, nécessitent un
traitement complexe des ligatures car une même lettre prend des formes différentes en fonction de sa position et par rapport à ses voisines. toutes les formes
contextuelles de cette lettre devraient en théorie, avoir le même unicode. pour que la forme contextuelle correcte soit ensuite sélectionnée, il faut que
le système d’affichage du logiciel possède le moteur de rendu capable de gérer ligatures, variantes contextuelles et toutes les formes conjointes de
l’écriture. si à chaque variante est assigné un unicode différent, aucune police unique d’aujourd’hui, ne peut supporter la totalité du répertoire.
le codage des caractères
un ordinateur est une machine qui range et manipule des chiffres, ce qui signifie que le texte, afin d’être saisi, rangé, édité et agencé, est exprimé par une séquence de nombres.
ces chiffres à leur tour, sont identifiables et se rapportent à une lettre assignée aux touches de l’ordinateur, et à la représentation visuelle de la famille de caractère.
l’unicode, définit la relation entre le signe typographique et le chiffre qui le représente dans le codage de l’ordinateur. la plupart des standards qui servent à encoder
les caractères sont spécifique à la langue de l’écriture et aux systèmes d’application de l’ordinateur. la plupart des caractères sont aujoud’hui codés en 8 bytes.
un codage en 8 bytes limite un caractère à 256 signes.
les 256 points de code
d’une police en 8 bytes
certains points de code sont occupés par
des caractères de contrôle, d’autres sont
vides et les points 20 et a0 sont occupés
par l’espace et l’espace insécable.
ce nombre est calculé à partir d’une base de 16 éléments, qui commence à zéro: 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 a b c d e f. dans un codage à 8 bytes, chaque signe
est identifié par deux éléments de la suite, ce qui produit une grille de 256 signes.
le changement de plateforme
un des principaux problèmes du codage 8 bytes est son inévitable ambiguité. en effet, une même combinaison
peut générer différents signes. prenons par exemple
la paire f 0, qui codée en 8 bytes représente à la fois :
le réel problème consiste dans la circulation des documents entre différentes plateformes—de windows à macintosh par exemple—pour
lesquels le codage 8 bytes diffère selon la langue.
les données électroniques peuvent être partagées entre appareils mais aussi bien entre pays et continents. il est donc nécessaire
de s’assurer que le texte reçu est bien le même que celui envoyé. il faut alors convertir le codage ou s’accorder sur
un codage standard partagé par l’expéditeur et le destinataire.
texte et typographie
les problèmes de compatibilité, de changement de plateforme, d’ambiguité textuelle, de support inadéquate sont d’autant plus agravés quand
il ne s’agit pas simplement de saisir, de ranger et d’afficher du texte mais de l’articuler et de le mettre en page de manière sophistiqué.
les développeurs et distributeurs de caractères, reconnaissent le besoin de disposer d’enrichissements typographiques comme les ligatures, les petites capitales, ou
les exposants.
remplacements de glyphe contextuels
utilisant les signes exposants
l’option est appliquée à l’ensemble
d’un texte, mais le a et le o ne sont
remplacés par des exposants que quand
ils suivent un chiffre
contraints et limités par le codage 8 bytes, de grandes entreprises de logiciels comme adobe ont choisi de définir des standards privés pour
les glyphes supplémentaires: le format expert.
exemples de remplacements
de glyphes basiques
l’inconvénient de ce format est que le changement de plateforme ou de logiciel modifie l’aspect du texte. par exemple, écrire
le mot difficile avec une ligature appropriée ∞, va contraindre l’utilisateur à changer de fichiers de police, et du coup à changer
l’orthographe du mot. ainsi, le mot difficile deviendra diycile. le résultat est donc satisfaisha nt à l’impression, mais dans
la mémoire de l’ordinateur, le mot à cesser d’être pourvu de sens.
quand ce type de démembrement typographique incontrollé rencontre l’échange multilingue et international de documents entre différents
systèmes d’exploitations et d’applications, l’impact du codage 8 bytes peut être incroyablement destructeur. effectivement,
l’unicode standard n’a pas pour fonction de pallier aux exigence de sophistication typographique, mais de promouvoir un codage de
texte solide et sans équivoque même pour la typographie la plus complexe. il faut donc bien faire la distinction entre le codage du texte et son affichage.
plutôt que de tenter d’encoder toutes les lettres et leurs variantes—ligatures, petites capitales, formes contextuelles— l’unicode
pourrait coder seulement les signes qui sont nécessaires à la saisie et à la conservation du texte. les subtilités typographiques ne figurant
qu’à l’affichage.
un texte saisie en français ou en anglais ne requiert pas nécessairement, de ligatures ou de petites capitales pour être lisible : il
en a besoin pour un soucis de hiérarchisations, de confort de lecture, ou esthétique.
le système d’écriture arabe , pour être lisible et compréhensible, requiert un niveau de traitement plus élevé afin d’interpréter
l’agencement des lettres entre elles, avec leurs formes appropriées.
glyphes et caractères typographiques
la séparation, entre codage et affichage du texte, est exprimé dans l’unicode
en distinguant les caractères des glyphes. à l’époque de la typographie manuelle
au plomb ou photocomposition, il était typique d’utiliser le terme de caractère,
pour se référer à n’importe quel élément typographique individuel; par exemple,
la ligature ∞, est appelée un caractère alors qu’elle représente trois lettres,
qui elles même se révèlent être des caractères. cette simple terminologie, reflète
la manière de penser le processus de composition au plomb. la relation sémantique
entre la ligature ∞ et les lettres f et i n’existe que dans l’esprit
de la personne qui compose le texte, donc il n’y a pas besoin de distinguer
ce caractère comme
une autre sorte d’élement typographique.
quand la composition devient informatique, le terme de caractère acquiert une signification
plus précise, et refère seulement à un élément codé et non à la forme affichée, le glyphe.
la relation qui existe entre le glyphe et le caractère est variée: un caractère peut être
affiché par un glyphe ou par plus d’un glyphes et un glyphe peut représenter plus d’un caractère.
écritures simples et complexes
parce qu’il recherche à coder
seulement les caractères nécessaires pour des textes minimal, l’unicode standard,
n’a pas besoin de coder tous les glyphes possibles à l’affichage. par exemple,
la ligature ∞ n’a pas besoin d’être codée, car les lettres
individuelles f et i sont suffisantes pour être lisibles. dans le cas d’un texte minimal
et aisément lisible, la distinction entre écritures simples et complexes peut être
remarquée dans la relation entre glyphe et caractère.
les écritures simples, sont caractérisées par une relation de un à un, entre les codes
des caractères et les glyphes nécessaires pour représenter un texte dans une forme minimale
de lisibilité. un seul glyphe par caractère suffit pour qu’un texte soit facilement lisible.
les écritures complexes comme l’arabe, sont caractérisées par
une relation multiple entre caractère et glyphe.
relations entre caractères et glyphes
en haut, variantes typographiques
et ornementales latines.
en bas, variantes orthographiques
et typographiques arabes.
un texte minimal dans cette langue avec un glyphe par caractère est difficilement lisible,
offre des difficultés de lecture et peut donner des incompréhensions. un lecteur
peut être capable de le déchiffrer, mais il n’est en aucun 1cas le standard de lecture.
la relation entre caractère et glyphe dans les écritures complexes implique des ligatures obligatoires,
des formes contextuelles, et des ajustements de la position des glyphes.
ordre et priorité des propriétés
en plus d’assigner un code aux différents caractères, l’unicode prévoit des règles
et des guides pour contrôler l’ordre d’affichage des caractères pour les textes bidirectionnels.
en plus d’un unique identifiant, à chaque caractère, est assigné une variété de propriétés.
la propriété bidirectionnel détermine l’ordre d’affichage relatif aux autres caractères
du même texte. ces propriétés peuvent être forte, faible ou neutre. par exemple, une lettre arabe
va avoir une forte direction de droite à gauche, alors qu’une lettre latine va en posséder
une forte de gauche à droite. les séquences de lettres arabes vont toujours s’agencer de droite
à gauche et les lettres latines de gauche à droite.
à d’autres signes typographique, ont été assigné une faible directionnalité, ce qui signifie
que leur ordre d’affichage peut changer en fonction des signes environnants possédant une forte
directionnalité. d’autres ont une directionnalité neutre et l’hérite directement
des signes précédents sans affecter les signes suivant. ce genre de propriété est non seulement
requis pour les textes multilingues afin que deux sens de lecture puissent cohabiter,
mais aussi pour un texte en arabe seul. en effet,
l’arabe est bidirectionel
alors que les mots s’écrivent de droite
à gauche, les nombres incluant les dates
sont écrites de gauche à droite.
: alors que les mots s’écrivent de droites à gauches, les nombres eux, sont écrits
de gauche à droite. il est donc nécessaire de développer ce genre de propriété dans le cas
d’un alphabet arabe.
decotype
les écritures non latines ont commencé il y a une trentaine d’années à être considérées à leur juste valeur dans les programmes de développements de logiciels.
decotype,
daisy wheel printer, 1984, decotype
le coeur du système du daisy wheel
printer est une « marguerite » de métal
ou plastique. Sur chacun des « pétales »
est moulé un caractère.
largement impliqué dans les avancées technologiques arabes, produit en 1984 une version arabe
du daisy wheel printer inventé en 1969. dans la continuité de cette invention, decotype
et winsoft ont récemment développé un outil spécialement pour l’écriture arabe, elle
qui a souvent rencontré des difficultés en tentant de s’adapter à des techniques qui ne lui
étaient pas déstinées.
le tasmeem est un plug-in associé à la version middle-east d’in-design, conçu exclusivement
pour le logiciel. le projet découle d’une analyse méticuleuse de l’écriture et
de la calligraphie arabe, elle conserve ainsi une exactitude graphique et une fidélité culturelle.
pour garder la caractéristique contextuelle de l’écriture, le tasmeem œuvre avec des éléments
de lettres décomposés et gère les règles combinatoires plutôt que de travailler avec
des lettres complètes. le programme construit ensuite l’ensemble des signes en assemblant
selon le contexte les éléments de construction. la police de caractères est ainsi intégralement
générée par ordinateur à partir d’un fichier plus léger qu’une fonte standard.
cette méthode permet une grande maîtrise et manipulation des données textuelles en proposant
une nouvelle palette d’options. il est désormais possible
d’agir sur les espacements des mots et des segments,
arabic spacing
l’arabic spacing permet de contrôler
les espaces entre les mots complets,
ou les segments entre mots.
il propose aussi des configurations
prédéfinies avec des réglages
calligraphiques, de typographie
classique ou de typographie moderne.
de moduler la forme des lettres,
word shaping
l’option word shaping offre une grande
partie des alternatives calligraphiques
possibles pour un mot.
il calcule le nombre maximal de variantes
basé sur le nombre d’options activées
parmi swashs, variantes calligraphiques
et kashida.
des mots
text shaping
l’option text shaping traite avec
les mêmes paramètres calligraphiques
que le word shaping, mais les automatise
pour les grandes quantités de texte.
le text shaping permet aussi
d’adapter ou de personnaliser
des polices de caractères tasmeem.
et
de contrôler le placement des diacritiques,
selection helper
tasmeem fournit une palette avec
le détail de chaque lettre d’un texte
sélectionné. elle est particulièrement
utile pour travailler avec le texte
calligraphique et à l’intérieur
des ligatures et des voyelles.
position tuner
la caractéristique de position
tuner permet de déplacer les points
diacritiques, ou les segments de mot.
autrement dit, de régler précisemment tous les composants typographiques d’un texte.
le principal reproche que l’on peut faire au tasmeem est la complexité informatique
de produire des police de caractères. concevoir un alphabet compatible avec ce programme
demande énormément de travail, de temps et d’énergie et est inaccessible pour une majeur
partie des dessinateurs de caractères. la décomposition en de très nombreux éléments
et la gestion des connexions doit se faire selon des paramètres pointus. le tasmeem est un outil
très confortable d’utilisation mais quasiment hermétique aux créations de polices
de caractères extérieures à winsoft.
le second défaut qui peut être soulevé, est son conservatisme envers la tradition, et le retour
à des règles révolues. le programme est en général perçu comme un logiciel permettant
d’imiter la calligraphie. cependant, l’extension d’in-design middle-east,
a un énorme potentiel créatif, représente un véritable outil de design typographique arabe
et finalement, qui peut le plus, peut le moins.
nous avons suggéré au début de cette partie que l’implication du dessin de caractère
et de la typographie dans la mondialisation de l’informatique, engage les dessinateurs
de caractères dans le developpement culturel et économique de la mondialisation.
l’internationalisation des logiciels, rendue possible grâce à l’unicode standard,
présente une opportunité pour les usagers mais aussi pour un bon nombre de dessinateurs
et développeurs de caractères.
sur la scène internationale, certains commencent à comprendre que cette mondialisation est bien
plus qu’une simple affaire commerciale. cependant, toutes les créations devraient
être informées et tempérées par la rencontres des cultures, le dialogue entre les civilisations,
et une attention particulière portée sur le respect des héritages, les droits et aspirations
d’un citoyen du monde.
dans l’histoire de la typographie, le dessin de caractère est une activité qui a pris
place au intersections des idées. pour servir le mot écrit, les formes de l’alphabet
évoquent le souvenir de modes de vie, de traditions culturelles, et de construction
grammaticales et linguistiques. si le dessin de caractère s’implique autant qu’on
le voudrait dans la mondialisation, on peut espérer qu’il soit moteur d’une
influence humanisante et le temoin de valeurs anciennes et durables.
5
conclusion
étant le plus élaboré des systèmes d’écriture de droite à gauche,
la typographie arabe représente aujourd’hui un défi remarquable
à l’échelle internationale. sa structure profondément liée
à la pratique calligraphique et à la langue en fait
« le véhicule idéal par lequel la parole peut être vue et, si tout va bien, mémorisée ».
¹
bruno monguzzi
l’écriture consiste en une succession de couches de signes ambivalents
ou polyvalents qui ont émergé progressivement. l’attention portée
sur l’esthétisme a engendré des variations contextuelles et des interactions
intenses entre les signes. ces principes grammaticaux et ortographiques
pourvoient le système de finesses typographiques foncièrement concordantes avec la tradition.
les rapports entre la compréhension de la structure de l’écriture et les technologies
mises à son service sont fondamentaux et nous permettent de tirer ces conclusions :
l’unicode standard assume aujourd’hui une utilisation limitée de l’écriture arabe.
l’héritage technologique fondé sur les graphèmes et les ligatures a mené à une mauvaise
conception et une incompatibilité à la fois dans la structure du code et dans le rendu visuel
de la forme écrite.
comprendre comment le système a émergé et évolué fournit des indices indispensables pour
envisager les solutions de codage et de rendu de l’arabe et des langages qui lui sont
affiliés. un des aspects sous estimé et très puissant est le fait que sa structure soit basée
sur la phonétique. dans l’analyse archigraphémique, l’écriture arabe se compose
de différentes couches additionnelles à caractéristiques variables. cette approche
et la technologie qui en découle, permettent des développements et des sophistications
typographiques propres à l’arabe, supportent les variations régionales et offrent
des conditions optimales pour la création de forme typographiques contemporaines
en relation directe avec la culture arabe.
perspectives et applications, état actuel de la typographie arabe
après avoir analysé, évalué, observé et cerné
la typographie arabe selon différentes perspectives, nous illustrerons cette étude par des créations
de caractères contemporains représentatives
de son état actuel. ces polices de caractères réagissent et offrent des solutions
à différentes problématiques. elles sont des éléments de réponse aux nombreuses
interrogations qui restent d’actualité et qui sont pour certaines controversées.
si chacunes des polices de caractères présentées sont des créations indépendantes, elles peuvent tout
de même être séparées en deux « écoles » aux approches et méthodes foncièrement différentes.
dans un second temps, il est indispensable de ne pas dissocier ces innovations de leur finalité :
la création graphique et artistique. en effet, la typographie, arabe ou d’un autre système
d’écriture, est d’abord un outil, un instrument au service de diverses applications
et d’un univers graphique et visuel
en accord avec la culture et les formes de créativités qu’elle a développé. inséparable
d’un contexte graphique, la typographie y prend toute sa valeur et toute son importance.
en abordant quelques-uns des domaines où elle est utilisée avec plus ou moins de réussite,
nous en verrons les avantages et les inconvénients, les couleurs et les vibrations
qu’elle dégage et enfin les ambitions auxquelles elle peut prétendre.
1
créations caractères contemporains essor et divergences
dtp naskh
le dtp naskh
dtp nath —thomas milo
est le premier caractère développé avec le tasmeem. il émule le geste calligraphique
et permet de nombreuses variations et subtilités typographiques et styllistiques
et est par conséquent un caractère très polyvalent. c’est dans ce genre de caractère
que la nature vivante, dansante et modulaire de l’écriture arabe se manifeste le plus visiblement.
néanmoins,
le dtp naskh
nom : dtp naskh pays : hollande designer : thomas milo alphabet : arabe nombre de graisses : 1 éditeur : winsoft
n’est pas aussi calibré qu’on le pense, cela en grande partie
dû à la complexité du programme et de la grammaire graphique dont il dépend.
tandis que les enrichissements calligraphiques permettent des titrages
et des couleurs de texte variées, ses formes amples et généreuses en font
un caractère de texte classique efficace et appréciable pour une grande
gamme d’usages contemporains.
le nassim
le nassim
nassim — titus nemeth
est un caractère pour l’arabe et le latin crée pour faciliter
la composition de textes multilingues. la principale préoccupation
était de réaliser les deux écritures comme d’authentiques
dessins dans lesquels ni l’arabe, ni le latin ne sont obligés
de suivre les proportions de l’autre. les deux caractères
ont été conçus de façon synchronisée, comme des graphismes indépendants
et pourtant liés et concordants. bien que plurivalent,
le nassim
nom : nassim pays : autriche designer : titus nemeth alphabet : arabe/latin nombre de graisses : 5 éditeur : winsoft
a été avant tout développé pour répondre aux spécifications d’un
caractère de presse: économie, lisibilité et solidité. en 2008,
il est édité par winsoft dans une version compatible avec le tasmeem.
l’imarat
l’imarat
imarat — pascal zoghbi
est un caractère spécialement
dessiné pour l’édition d’un journal de
dubaï entreprise en 2008, « emarat al youm ».
les deux graisses disponibles, basées sur le style naskh mastari,
une pour le titrage et l’autre pour le texte, répondent
aux impératifs liés à la presse. elles emploient un contraste moyen,
des lettres relativement étroites, une ligne de base marquée,
de grandes dents et boucles et de courtes ascendantes et descendantes
de façon à pouvoir être composées avec un faible interlignage.
shéhérazade
le caractère
shéhérazade sil internationnal
a été nommée d’après le nom de l’héroïne
du conte classique des milles et une nuit.
elle est conçue dans un style semblable aux polices de caractères traditionnelles
nom : shéhérazade pays : usa designer : bob hallissy & jonathan kew alphabet : arabe nombre de graisses : 1 éditeur : sil internationnal
comme le naskh, étendue pour couvrir la totalité
du répertoire arabe autorisé par l’unicode.
ce caractère arabe est un des premiers à être dessiné
par sil internationnal pour les systèmes unicode
utilisant l’opentype a destinations
des écritures complexes. elle supporte presque la totalité
du répertoire des caractères arabes mais n’existe
seulement qu’en une seul graisse. ce caractère possède
un dessin simplifié pour l’écriture arabe, utilise
des connexions entre les différentes formes des glyphes,
sans inclure une variété de suppléments contextuels.
ou de ligatures exceptée celles obligatoires. ce style simplifié
est souvent préféré pour sa clarté : particulièrement
dans les langues non — arabes, mais peut être considéré comme
non — attrayant dans les communautés plus traditionnelles.
son compagnon latin est le times new roman avec lequel
il est distribué.
fedra arabic
le fedra arabic
fedra arabic — peter bil’ak
a été réalisé dans le cadre du projet « typographic
matchmaking » organisé par la khatt fundation.
en lien étroit avec le moyen-orient, la khatt fundation
est un (l’) acteur prédominant sur la scène mondiale
de la typographie arabe. depuis quelques années la khatt a été
à l’origine
de nombreuses publications, conférences
et évènements sur le sujet.
l’organisation a ainsi acquis un statut solide, une voix
considérable et est devenu une source incontournable en la matière.
le projet
en question associait des designers arabes
et hollandais pour créer la version arabe d’un caractère
latin préexistant.
la version arabe du fedra
nom : fedra arabic pays : hollande, liban designer : peter bil’ak & tarik atrissi alphabet : arabe et latin nombre de graisses : 4 éditeur : typothèque
vient s’ajouter en 2007 à la très
large famille déjà existante, et les attributs
formels de la version latine en déterminent
la tension des courbes, les contrastes, les graisses,
le gris de texte…
ali
le ali
ali — maxieu reguer
et le cassius sont des équivalents
arabe et latin dessinés par mathieu reguer
au cours de son master à l’université
de reading au royaume — uni. le caractère
est destiné à l’édition, plus particulièrement
à la mise en page de dictionnaires
et à un usage en petits corps.
la version arabe
nom : cassius — ali
pays : france
designer : mathieu reguer
alphabet : arabe/latin
nombre de graisses : 4
a été pensée comme
un caractère autonome, avec son propre
système de proportions et une approche
plus calligraphique. la ligne de base
« dansante » augmente la lisibilité
et facilite la distinction entre les lettres.
quelques éléments simplifiés font écho
à la version latine sans jamais la mimer.
les deux écritures peuvent ainsi cohabiter
harmonieusement sans sacrifier leurs identités
respectives.
helvetica arabic
la version arabe du caractère suisse
est dessinée par nadine chahine, designer libanaise
familière avec ce type d’adaptation, ayant déjà
réalisé les équivalents arabes des polices de caractères
palatino et frutiger.
l’helvetica arabic
helvetica arabic — nadine chahine
nous intéresse du fait qu’elle combine
deux extrêmes et paradoxes typographiques :
les formes des lettres arabes sont intégralement
substituées à la structure latine. ainsi la musicalité
et l’oralité
y sont étouffées par la rigidité, la rigueur
et la simplification suisse.
le caractère arabe permet l’accompagnement
d’une des polices latine les plus utilisées
à ce jour. ses formes sont contemporaines
et plutôt plaisha ntes d’un point de vue
occidental mais la relation avec la structure
de l’écriture arabe est discutable.
massira
inspirée de la vie socio-politique,
de l’écriture usuelle libanaise
et des graffitis politiques,
le massira
massira — pascal zoghbi
est
un caractère à vocation révolutionnaire
.
nom : massira pays : liban designer : pascal zoghbi alphabet : arabe nombre de graisses : 4
il offre quatre graisses correspondantes
à plusieurs types d’outils. en effet,
au regular et au bold
sont ajoutées une version rounded (stylo
à bille) et une version spray aux contours
déchirés. basée sur le style naskh
et l’écriture usuelle rapide,
les contrastes sont atténués et les contreformes ouvertes.
une ligne de base irrégulière donne aux mots
un flot vivant tout en garantissant
un gris régulier et la sensation de lignes horizontales.
aisha
titus nemeth a créé
le aisha
aisha — titus nemeth
d’après
un caractère maghribi du 19e siècle
de marcellin legrand : l’arabe maghrébin.
la version opentype de 2009 contient un grand nombre
de ligatures, d’alternatives contextuelles
et de variations stylistiques. aïsha, est un fidèle
« revival » alimenté
par des recherches historiques qui profite
des avantages technologiques contemporains pour fournir
un outil typographique efficace.
une scripte latine, développée après l’arabe,
fait référence aux formes et à la cursivité
du maghribi. cette approche consistant
à nourrir subtilement l’écriture latine
d’attributs propres à l’écriture arabe,
au lieu d’emprunter le chemin méthodique
inverse, semble une des plus intéressantes
et fructifiantes dans le dessin de caractère bilingue.
caractères simplifiés
dans la création de caractères arabes contemporains,
on peut dégager deux « écoles »
officieuses ou deux types de créations
aux ambitions et productions différentes.
bien que peu de designers ne revendiquent
l’affiliation à un groupe particulier,
et qu’il existe un grand nombre
de dessinateurs de caractères arabes
« non-alignés »,
une scission existe effectivement entre ces deux extrêmes.
cette conjoncture nous permet de nous situer
assez confortablement dans cette controverse.
d’un coté, les caractères promut par la khatt
sont fréquemment le résultat de l’adaptation
d’un équivalent latin. même quand ce n’est
pas le cas, ils sont souvent crées dans les formats
de polices usuels (truetype, opentype…)
utilisant des normes de conceptions occidentales.
cette organisation plaide pour une simplication
radicale de l’écriture,
une forme de rationnalité et de pragmatisme
qui a tendance à latiniser l’écriture arabe,
et a lui faire oublié une part
de son authenticité, et de sa poésie.
les designers de cette catégorie sont étonnamment
en grande partie d’origine arabe mais formés
en occident. leurs créations répondent ainsi
à un des principaux impératifs contemporains :
le texte multilingue. formellement, ce type de caractère est
plutôt attrayant pour un oeil occidental.
les critères et paramètres de création
sont souvent subordonnés à leur jumeau latin
et ont tendance à attenuer la nature « dansante »
de l’arabe pour s’approcher
d’un gris de texte et d’un rythme régulier.
les formes de micro et macro typographie nous semblent
donc familières et tout à fait convenables.
cette attitude peut être issue de l’influence
qu’a eu le yakout (arabe simplifié, omniprésent
dans la presse et une grande partie des publications
arabes depuis les années 60)
sur les reflexes de lecture, instaurant
pour les nouvelles générations, un nouveau standard.
chez les designers arabes
est peut-être née une volonté d’évoluer
avec ce qui représente le texte arabe
« moderne », de fonder leurs réflexions
et créations sur les bases existantes
des vingt dernières années, qui peuvent
pourtant être considérées comme erronées.
dans le cadre d’adaptations comme le fedra ou l’helvetica arabic, ce genre de comportements créatifs peut sembler justifiables. encore
que l’idéal serait d’avoir un caractère latin légèrement modifié qui s’accorderait sur
les attributs formels de l’arabe. un aller-retour dans le processus de création est
en effet souhaitable pour un résultat optimal. l’alphabet latin ainsi arabisé, plutôt
que le contraire aurait énormément à gagner des agencements typographiques arabes.
mais avec le bagage de connaissances que
nous avons maintenant sur l’histoire
et la structure de l’alphabet arabe, il semble assez préjudiciable de contraindre encore
une fois l’arabe aux formes et structures
du latin.
caractères analytiques
d’un autre coté, les caractères développés
par winsoft, dont l’acteur principal
est thomas milo, linguiste à l’origine
de l’analyse archigraphémique et du tasmeem.
nourrient d’une analyse linguistique
et formelle pointue, les quelques caractères créées
au sein de ce point de vue révèlent
la véritable nature de l’arabe et caractérisent
l’authentique héritage structurel
et la grammaire formelle de l’arabe.
les caractères développés sous cette charpente théorique
proposent aussi des couples
arabe et latin, mais dont les deux dessins suivent
leurs propres systèmes de proportions indépendants
et pourtant complémentaires.
comme évoqué auparavant, le principal inconvénient
de ces caractères est la complexité
du programme duquel ils dépendent.
cependant, les progrès constants des outils
typographiques amèneront sûrement, en tout
cas nous l’espérons, des solutions
à ce désagrément technologique qui permettront
de profiter de cet instrument garantissant
l’integrité de l’écriture arabe.
d’un point de vue social, le fait de revenir
à une forme d’arabe
« authentique »,
niant une partie des simplifications imposées
par l’academie de langue arabe dans les années
60 peut être destabilisant. il est possible
que les arabophones se retrouvent face
à un arabe peu courant. le potentiel typographique
et créatif offert par le tasmeen découle directement
de cette reflexion et encourage à envisager
l’avenir de la typographie arabe dans
des conditions indépendantes, riches et enthousiastes.
cette analyse à certainement été permise par
un recul suffisant et un positionnement extérieurs
par rapport aux impératifs économiques et à
l’entrain créatif des dessinateurs
de caractères orientaux.
2
applications dans la presse et l’édition des qualités inégales
état actuel des journaux arabes
le design de
la presse arabe
est en général
d’une assez faible qualité typographique.
on peut en expliquer les raisons par
différents points. si le manque de considération
pour le design est certain, une information
de qualité elle même n’est pas garantie
dans le monde arabe, souvent restreinte par
des politiques fermes
et contraignantes. en effet, les exemples
de presse libre et critique sont rares,
mais la censure ou le contrôle politique
de l’information ne justifie pas à lui seul
le « sous-développement »
des journaux. au cours des dernières décennies,
la presse arabe
s’est développée et une plus grande liberté
et diversité est sur le point d’apparaître.
les facteurs économiques et technologiques sont
également décisif dans l’aspect typographique
des journaux. les plus grands progrès que
l’on peut observer ont été fait en matière
de technologie. les possibilités de mise
en page sont en effet plus larges que jamais.
en terme d’économie, la presse semble disposer
de plus gros moyens, si l’on en juge les
pages en couleurs, la publicité ou la qualité du papier.
cependant, les modifications apportées sont
souvent superficielles et la majorité
des publications manque de clarté
et d’originalité.
à la lumière de la tradition scripturale arabe,
on ne peut que souhaiter à la presse arabe
de s’enrichir de ce patrimoine pour offrir
des solutions formelles et une forme de presse
plus accessible.
synthèse de l’état typographique
du journal al–akhbar
l’état typographique de al-akhbar est assez représentatif des problèmes évoqués.
en l’analysant et en en synthétisant
les détails typographiques,
nom&thinsp: al — akhbar pays&thinsp: égypte langue&thinsp: arabe dimensions du format fermé&thinsp: 57 x 43,4 cm
il est plus facile de comprendre la forme que prennent les difficultés
de la presse arabe à l’échelle typographique.
l’ensemble de chaque numéro est imprimé en rotative
sur papier mat gris. exceptée la une
qui utilise une encre rouge, le numéro
entier est en niveaux de gris.
en terme d’éléments de navigation et de repères
de lecture, il n’y a pas de pagination,
ni de tétière. le dispositif graphique mis
en place pour séparer les articles
et différencier les types de contenus utilise
des filets et encadrés sans trop de modération.
les entrées d’articles sont indiquées par
des chapôs et la mise en page globale s’installe
dans 8 colonnes de 45mm chacune.
d’un point de vue typographique,
le texte courant est justifié et composé en caractère traditionnel.
dans al-akhbar l’utilisation
de caractère arabe oblique ne se fait pas
mais il arrive d’en rencontrer assez fréquemment.
le caractère utilisé ne dispose pas d’équivalent
latin et n’emploie que les chiffres arabes.
sur la manchette, le titre du journal est manuscrit
et en couleur. les titres principaux
sont en caractères typographiques et centrés
dans leur colonnage tandis que les titres
secondaires sont férrés à droite.
livres
sayeye toba
sayeye toba — livres — reza abedini — musée iranien d’art contemporain — 21 x 26.5 cm
armaghane daneshvaran
armaghane daneshvaran — une série de livres sur l’ancienne — litérature, morale et histoire iranienne — 21.5 x 14.5 cm — 2oo1 — les couvertures sont sur papier craft,
support récurrent dans son travail.
elles sont uniquement typographiques
en deux couleurs, très géométriques,
à la limite lisibilité.
ali vazirian
livre — ali vazirian — 2ooo — 21 x 26.5 cm
3
identités visuelles authenticité culturelle et impact international
l’image de marque d’une nation
de nos jours, de bons produits ne suffisent
pas à être compétitif. il est nécessaire
de se démarquer et de toucher la clientèle
de manière unique et crédible. les nations
réalisent elles aussi qu’elles doivent
défendre leurs intérêts dans la compétition
mondiale et doivent ainsi promouvoir leur
image nationale.
il ne s’agit pas de créer
une marque, mais d’aider à l’identification.
laura assouad khoury a, dans ce contexte, conçu
l’identité de la jordanie.
la jordanie a de nombreux atouts qu’elle met
en valeur dans cette identité :
ses citoyens, ses paysages,
la combinaison de personnages, de paysages,
de couleurs font partie intégrante de l’identité.
les images doivent être contrastées, attirantes
émotionnellement, colorées, actives,
positives, accessibles, originales, jeunes.
ses couleurs…
les couleurs des environs naturels de la jordanie. couleur évaluée en pantones et en cmjn.
ces contrastes travaillant en harmonie prennent la forme
de
deux styles typographiques
et deux carrés, formes stables
qui constituent une mosaïque plus grande.
l’identité est dans
la juxtaposition du mot en arabe
dans le style coufique, en anglais
et la marque d’une monarchie
du 21e siècle représentée
par la couronne installée
comme copyright. un aspect peint
à la main conféré à l’écriture
coufique, très géométrique, reflète
l’héritage culturel et la tradition
calligraphique jordanienne. les deux mots
sont juxtaposés de manière à représenter
deux petites pièces d’une mosaïque plus
grande représentant la jordanie.
les différents éléments entretiennent
une relation bien définie et ne sont
jamais reproduits séparément.
le modèle de la trame
cette grille modulaire est utilisée dans toutes les applications. la grille détermine le colonnage et les marges. elle s’applique aux couvertures de livres et brochures, aux affiches et à l’intérieur des pages
est conçu en utilisant
le logotype arabe comme module de base.
celui-ci a subit une rotation pour constituer
un module de quatre unités. lequel
a été répété pour créer une trame. la trame ajoute
autenticité, couleur, et vie aux applications.
les couleurs sont associées aux paysages naturels
de la jordanie: sable, fleurs, mers…
évaluées en pantone, les couleurs respectent
la théorie des couleurs dévellopée
par johannes itten, en usant du principe
des couleurs complémentaires et
des nuances contrastées.
le style photographique a été choisie de manière
à refléter l’alchimie positive qui fonde
l’identité jordanienne. la combinaison
de personnages, de paysages, et de couleurs
forment équilibre et harmonie. les images
sont contrastées, attrayantes, émotives, colorées,
actives, positives, accessibles, originales,
jeunes et inspirées. elles traduisent
les contrastes entre le passé et l’avenir,
la culture de la tradition et la modernité,
ainsi que la capacité à se projeter dans
le futur.
la grille modulaire est utilisée dans toutes
les applications. elle permet une structure
sous jacente qui suggère une cohérence
dans l’identité. le logo forme la grille
et induit les corps typographiques.
deux grilles déterminent le colonnage
et les marges, une pour la typographie,
et l’autre pour la trame et les images.
la grille est parfois redimensionnée
proportionnellement pour entrer dans
des applications à dimensions variables.
ati center
le logo reprend le style calligraphique coufique.
par sa géométrie, c’est un style propice
à s’appliquer à l’architecture.
le coufique permet des formes géométrique très identitaire,
ati center — identité visuelle — reza abedini — 2oo3
mais aussi des formes et configurations abstraites.
ici, elles sont utilisées pour le logo,
les cartes de visites, le papier en tête,
les enveloppes et les affiches de l’ati center.
les affiches sont divisées en deux espaces
de représentations séparés par le logo.
l’imagerie est partagée entre aplats de couleurs,
dessins techniques et photographies d’architecture.
la précision apportée par les diacritiques
et l’assimilation autorise une grande liberté
dans la forme logotypique des lettres. ainsi, les lettres bâ,
tâ et la kashida, dans le style coufique en forme
d’escalier permettent de souligner cette idée
d’architecture et de construction.
télévision
la chaîne atv a voulu marquer son identité
et crédibiliser ses programmes d’information
en adoptant un logo défini et un caractère arabe défini.
beaucoup de recherches et d’éssais ont été pris
en considération pour estimer la lisibilité, le style
et l’équilibre des graisses optimal pour un affichage
à l’écran. la création d’une police
de caractères arabe au regard de
son équivalent latin a permis une cohérence identitaire.
une police de caractère créé dans ces conditions
a relié directement la chaîne à l’héritage culturel
et à la tradition arabe. l’apparence « moderne »
est venue s’ajouter dans un second temps conférant à la chaîne
une identité actuelle et un caractère
d’une haute qualité technique.
ci-dessus, la police de caractère dessinée pour atv, une nouvelle chaine de télévision de jordanie. elle existe en deux graisses, regular et bold et a été spécialement dessinée pour l’affichage à l’écran. en résulte un caractère monoline avec un large oeil de boucle, et une épaisseur de traits horizontaux importante ainsi que des gros points diacritiques arrondis.
la police de caractères possède des signes diacritiques
relativement bas et de courtes descendantes
et ascendantes pour qu’elle puisse être mise
en place dans des dispositions graphiques particulières :
à l’écran et dans des bandes défilantes.
la police de caractères possède plusieurs graisses
qu’il est possible de souligner
ou surligner pour servir des impacts
et hiérarchisations divers.
le résultat final est distingué, simple
et remplis les besoins visuels et graphiques
de la chaîne.
gaze
logo pour « rêve d’eau »
gaze — logo pour « rêve d’eau » — 2oo5
générique de film
gaze — générique de film pour « rêve d’eau » — 2oo5
4
tradition de l’affiche iranienne spiritualité et poésie
reza abedini
reza abedini est un des designer graphique contemporain iranien les plus actifs.
des livres au magazines, du générique
de films au festival d’affiche, il s’implique dans toutes les voies du design graphique.
son travail est caractérisé par un grand intérêt et une approche inhabituelle
de la typographie. en effet, alimenté
de connaissances pointues,
il y met en scène
son propre caractère
farsi basé sur
les anciennes calligraphies
de ce dialecte arabe.
il y a une claire résonance avec le lyrisme
des compositions présentes dans les miniatures
et les manuscrits iraniens où les images peintes
coexistent avec les textes poétiques composés
dans les styles nastaliq et shekasteh qui coulent
abondemment au travers des pages.
dans son travail,
le texte et l’image se rencontrent dans des compositions fluides
on retrouve ici, le rapport de proportion établit par
ibn moqla sur les caractères mais appliqué à l’homme
et en rapport au corps comme peut l’être
la calligraphie ou l’écriture en générale. la silhouette
représenté est celle de l’artiste, caractéristique
de son travail où il se met souvent en scène.
et sensiblement organisées où
l’un ne peut être séparé
de l’autre. avec son habileté
à tisser le texte dans les images
en utilisant sa propre écriture
ou ses propres caractères
il crée finalement une harmonie entre
l’art traditionnel iranien
et la composition typographique moderne.
il est également très influencé par
un registre formel tiré de la culture
iranienne islamique. il parvient
à introduire dans le langage graphique
global, sa propre vision du graphisme
et un mode de pensée singulier.
reza abedini construit son travail
dans un intelligent pragmatisme autour
de demandes d’institutions
culturelles iraniennes
et internationnales.
ali vazirian
ali vazirian est un designer graphique
et artiste basé à téhéran, en iran.
il est à l’origine d’un travail varié
de magazines,
films,
affiche de film — ali vazirian
affiches
et logotype. il est aussi le directeur et le fondateur de la première
biennale d’affiches typographiques à téhéran.
il a aussi conçu les affiches de l’évènement
qui a lieu, pour la fête religieuse d’aashurah, à téhéran. aashurah signifie
dix dans la langue arabe, d’où le nom
de la cérémonie, littéralement, cela signifie «le dixième».ces affiches sont basées
sur les texte saint que les pèlerins chuchotent pendant le pèlerinage à hussein.
la composition, le rythme, la structure
et l’esthétique de l’affiche diffère selon
le texte et sa signification.
affiches
affiche pour une conférence
pouya ahmadi — affiche pour une conférence — de tadao ando
affiche pour la 3ème exposition
de typographe iranien
pouya ahmadi — affiche pour la 3ème exposition — de typographe iranien — 2oo6
rapproche toi, longue nuit
rapproche toi, longue nuit — mouneer elshaarani — ( syrie/égypte )
5
l’alphabet et la culture arabe dans l’art contemporain inspirations et interprétations
l’atlas
l’atlas est un artiste méticuleux qui puise
une grande partie de sa démarche artistique
dans la culture et la pensée orientale.
il a d’abord étudié la calligraphie arabe
au maroc avec un maître classique puis
en égypte avec un maître moderne qui lui
a appris à transgresser les règles établies.
il transpose cette tradition du geste dans les rues de paris
avec des matériaux contemporains tels
que la bombe ou le scotch. l’atlas
réinterprète l’alphabet latin
en le soumettant aux techniques et
aux structures labyrinthiques
du coufique géométrique.
mehdi moutashar
mehdi moutashar est un artiste irakien
qui vit et travaille à arles en france.
depuis le début des années 70, il mène
une reflexion à la fois sensible et construite,
formelle et conceptuelle où se rejoignent
les fondements de la tradition arabo-musulmane et les ressources du minimalisme géométrique.
son travail consiste entre autre à décomposer
les formes de la culture arabe et des arts
de l’islam et les transformer
en abstractions géométriques. sous formes
d’installations ou de volumes,
ses oeuvres transcrivent les notions de rythme,
de système, ou de module et témoignent
d’une approche philosophique globale
de l’espace.
susan hefuna
knowledge is sweeter than honey
knowledge is sweeter than honey — susan hefuna — allemagne/égypte — 2007
10xana
10xana — susan hefuna — allemagne/égypte — 2007 — knowledge is sweeter than honey
6
conclusion
ce panorama non-exhaustif de l’état actuel
de la typographie et du design graphique arabe
nous permet de tirer quelques conclusions. deux
attitudes majeures, dans le dessin de caractères
arabes sont remarquables. d’abord les
dessinateurs de caractères qui voient dans
la simplification de l’alphabet une solution
à divers problèmes. pour s’adapter
à un équivalent latin dans un contexte multinlingue
et créer une harmonie formelle lors de
leur utilisation combinée, pour palier aux complexités
relatives à l’écriture arabe ou pour
l’adapter à un nouveau support comme l’écran
de télévision ou d’ordinateur, la simplification
est une issue plausible. malgré tout, cette approche
simplificatrice à souvent tendance à occidentaliser
le caractère et à omettre une grande partie de la richesse
de l’écriture arabe. l’histoire nous donne
les clés pour comprendre les causes de ce raisonnement,
dû principalement aux contraintes techniques.
mais aujourd’hui les enjeux et les obstacles
ne sont plus les mêmes. la technologie pouvant désormais
prendre en charge les difficultés techniques, et étant
conscients des possibilités typographiques offertes par
la vitalité de cette écriture, la simplification est
elle encore légitime
l’autre approche consiste à concevoir un alphabet
grâce à la compréhension globale de sa structure.
permises par une technologie adéquate, ces créations
sont fidèles à la langue arabe et à ses traditions.
cependant elles reviennent à un arabe littéraire et
délaissent un archétype acquis ainsi que des décisions
prises par le passé.
enfin, dans la scène du design graphique et artistique,
l’iran, pays relativement stable économiquement,
est l’un des plus présent. à l’intersection
de ses héritages culturels et de l’influence de
l’occident, les productions iraniennes sont dotées
d’une richesse de l’ornementation, et
d’un rapport au texte très différent de celui
que l’on connaît. la structure formelle
de son écriture confère spiritualité et poésie
à des compositions singulières. les travaux
les plus intéréssant sont créés avec des caractères
typographiques personnels ou faits à la main avec une grande
connaissance calligraphique. globalement, la qualité
du design graphique arabe repose sur celle
des caractères utilisés.
conclusion finale
les approches et méthodes formelles, structurelles, et éthiques du dessin de caractère sont aujourd’hui variées. si ces différences instaurent des débats
au sein de la communauté typographique, c’est
la preuve non seulement d’un intérêt grandissant pour cette écriture mais aussi de profondes ambitions et convictions qui ne font qu’alimenter
la fertilité et l’abondance créatives de cet alphabet. espérons simplement que ces controverses demeurent profondément saines et dans l’unique intention de donner à l’arabe des formes justes, intègres et conformes aux impératifs contemporains. quoi qu’il arrive, les quelques champs d’applications évoqués nous ont renseigné sur différents aspects
de la situation graphique et typographique arabe. certains exemples révèlent le besoin manifeste
de caractères pour des usages quotidiens, tandis
que d’autres donnent un aperçu de l’inestimable culture graphique orientale, relais contemporain
de l’héritage arabo — musulman. étant donné l’apport culturel qu’ils peuvent représenter, les projets potentiels futurs devront se faire dans le respect
des traditions arabes, avec pour objectifs
la communication et l’entretien de liens solides
entre les pays arabes et le reste du monde.
l’étude de la struture des éléments typographiques nous a fait découvrir un nouveau système, une logique typographique unique pleine de vitalité et de poésie. nous avons, de plus, énormément appris,
et été passionnés par la portée de la typographie
et ses nuances au travers du prisme des rapports
entre signes, sons et sens. mais par dessus tout,
cette étude nous a ouvert les portes d’un système complètement différent qui obéit à des règles
et des normes d’une richesse formidable, avec
un potentiel créatif gigantesque. définitivement convaincus que l’alphabet latin a énormément
à gagner du système arabe, nous y voyons une
source d’inspiration et d’invention typographique extraordinaire pour des applications plus vastes.
les technologies récentes offrent des outils
de plus en plus performants et des possibilités typographiques en accord avec la grammaire
et la langue arabe. des inconvénients liés
à la complexité informatique de ces outils
et au changement de plateforme demeurent pourtant.
l’histoire de cet alphabet nous a fourni des bases essentielles à la compréhension de son cheminement chronologique. en plus d’une succession de faits historiques, cela nous a permis d’en déterminer
la géographie, les acteurs et facteurs principaux,
les problématiques auxquelles l’écriture arabe
a été confrontée, les rapports originels entre écriture et art. nous y avons aussi découvert une culture étroitement liée à la religion et la vie politique,
ainsi qu’un patrimoine littéraire, scientifique
et artistique remarquable. cela a éveillé un grand intérêt pour l’histoire des systèmes d’écritures
en général, leurs modes de formations et les croisements intercivilisationnels qui les façonnent.
étant donné l’étendue de la thématique,
il est délicat de cerner, délimiter et évaluer un sujet comme la typographie arabe. faisha nt appel à des notions politiques, géographiques, scientifiques, historiques, linguistiques, sociologiques
et culturelles, prétendre à l’exhaustivité ne nous semble pas raisonnable et seul un long travail
de plusieurs années, s’étendant sur plusieurs volumes, rendrait justice à tous les aspects de notre sujet. néanmoins, dans un souci de rigueur
et de justesse, nous l’avons abordé et traité
dans une relative globalité et selon différents axes d’études. la somme d’informations rassemblée
dans ce mémoire constitue, nous l’espérons,
un bagage utile et enrichissant pour qui voudrait
s’y sensibiliser, et un premier pas vers une évolution tant des possibilités typographiques et informatiques que des mentalités.
rencontres
philippe cardinal
directeur de la communication
de l’institut du monde arabe
mathieu reguer
dessinateur de caractères
et designer graphique
titus nemeth
dessinateur de caractères
et designer graphique
antoine barjini
designer graphique
hans — jürg hunziker
dessinateur de caractères
peter bil’ak
dessinateur de caractères
et designer graphique
remerciements
nous tenons à exprimer notre plus vive
reconnaissance à tous ceux et celles
sans qui cet ouvrage n’aurait pu voir le jour :
nasser bouzid, andré baldinger
philippe cardinal, mathieu reguer,
titus nemeth, lara assouad khoury,
antoine barjini, hans — jürg hunziker,
laurent ungerer, axel barrault,
linette chambon, mary — rahma homman,
tarik slaiki, yacoub ben safhi,
medhi aslani, et meziane.
colophon
ce mémoire a été conçu à paris et new york
entre juin 2009 et juin 2010
par marco maione et tristan maillet, sous la
direction de nasser bouzid et andré baldinger,
professeurs à l’école nationale supérieure
des arts décoratifs de paris.
ce mémoire est composé dans les caractères :
dtl fleischmann, dessiné par erhard kaiser
benton sans, dessiné par morris fuller benton
prestige élite, dessiné par clayton smith
dtp naskh, dessiné par thomas milo
crédits photographiques
les images de cet ouvrage sont
uniquement à des fins pédagogiques
et sont soumises aux droits d’auteur.
bibliographie
de l’écriture à la typographie,
une histoire de l’alphabet
oleg grabar
penser l’art islamique
stefan f. moginet
du calame à l’ordinateur
encyclopédia universalis
écriture
patrick guelpa
introduction à l’analyse linguistique
louis — jean calvet
histoire de l’écriture
françois déroche
l’écriture arabe
james a. bellamy
the arabic alphabet
edo smitshuijzen
arabic font specimen book
mourad boutros
arabic for designer
hassan massoudy
calligraphie arabe vivante
hassan massoudy
le chemin d’un calligraphe
pascal zoghbi
history of arabic type
evolution from the 1930’s till present
anne zali et annie berthier,
l’aventure des écritures, naissances
wahid quddurah
le début de l’imprimerie arabe
à istanbul et en syrie
marc — alain ouaknin
les mystères de l’alphabet
james germain février
histoire de l’écriture
charles higounet
l’écriture
djamel e. kouloughli
l’arabe
typographie.org
petite histoire de l’imprimerie arabe
du calame à l’ère digitale,
structure & technologie
thomas milo
wright to left font structure
thomas milo
language culture type, arabic script
john hudson
language culture type, unicode
vlad atanasiu
de la fréquence des lettres
et de son influence en calligraphie arabe
t.f. mitchell
writing arabic,
an introduction to ruq’a script
fiona ross
non — latin type at linotype
mohamed jamal eddine benatia
arabic text justification
firdaous.com
apprendre à parler arabe
marie — geneviève guesdon,
l’art du livre arabe
sophia tazi — sadeq
le bruissement du calame,
histoire de l’écriture arabe
perspectives et applications,
état actuel de la typographie arabe
eps51 et nicolas bourquin
arabesque
titus nemeth
current state of arabic newspapers
idpure
numéro 12
livraison 13
language et typographie
uda smitshuijzen abi farès
typographic matchmaking
reza abedini
vision of design
ali vazirian
a collection of graphic works
peter thomas hill et gregory vines
iranian typography